L’étonnant visage du Sénégal
Avant de préparer cette publication, je n’avais en tête que quelques images du Sénégal. Presque toutes positives, heureusement.
Aéroport de Dakar. Arrivé du Cap Vert en transit vers Bruxelles, je découvre que mon équipage est resté au point de départ, l’aéroport de Praia où, va savoir pour quoi, il n’a pas été embarqué. L’équipage contenait tout le matériel que j’avais pu récolter en mission. Je découvre aussi que la compagnie capverdienne n’a pas de convention, pour le retour d’équipages égarés, avec l’aéroport de Bruxelles où j’arriverai le lendemain. Et puis, je me trouve au petit aéroport régional joint à l’aéroport international de Dakar. Je vois mal comment les bagages, s’ils arrivent, pourront passer d’un aéroport à l’autre. Je m’adresse au fonctionnaire sénégalais et lui explique que le contenu de mes valises a beaucoup de valeur pour les partenaires des projets concernés et uniquement pour eux, qu’il serait dommage que ce travail soit perdu. Il me dit que je peux rentrer le coeur tranquille à Bruxelles. Il s’engage à ce que je retrouve mes valises. En effet, ce fut le cas.
Une fenêtre ouverte sur l’océan à l’île de Gorée, à Dakar, d’où l’on pouvait voir autrefois les bateaux négriers s’en aller vers les Amériques. Par cette même fenêtre on voit le départ vers New York d’un guide du musée de l’esclavage de l’ile de Gorée. Il part à la recherche de ses ancêtres emmenés de force du temps de l’esclavage. C’est le début de « Little Sénégal », le film de Rachid Bouchareb à la fin duquel le même guide revient à Gorée pour enterrer le corps de son neveu mort à New York. Rien de plus du Sénégal dans ce film remarquable.
Pourtant le film nous montre beaucoup plus le Sénégal qu’un épisode récent du « Jardin extraordinaire », émission phare des dimanches soirs à la télévision publique belge. On nous y a conviés à un tour du Sénégal en ULM mais, pendant l’heure que dure l’émission, le seul Sénégalais que l’on voit est une personne habillée d’une parure qui rappelle celle d’un des oiseaux emblématiques du Sénégal. Il s’agit d’une émission animalière, on en convient, mais tout de même !
Quoi qu’il en soit, ce tour télévisé de la géographie du Sénégal permet de parcourir l’étonnant contour d’un pays qui a la forme d’un visage dont le front est traversé par le fleuve Sénégal, le « nez » est formé par le Cap Vert, le menton par le cap Skirring et la bouche par le fleuve Gambie, bizarrement séparé du Sénégal qui l’entoure par le tracé colonial et converti en un pays à part, peut-être le pays avec la forme la plus curieuse de la planète.
Tout n’est pas beau au Sénégal, loin de là. « Si je pouvais choisir, je naitrais homme au Sénégal et femme ailleurs », affirme Fatou Touré. Et que dire de cette histoire racontée par des amis sénégalais : un transsexuel fut enterré dans son village natal mais les villageois sont parvenus à le déterrer du cimetière pour le jeter dans un terrain vague...
La découverte récente du gaz fait peser une terrible menace sur la pêche, le tourisme et la vie des populations. En même temps le dynamisme de la société civile sénégalaise est incarné par le mouvement Y’en a marre. La vitalité des arts et de la culture se fait bien sentir. Cela et bien d’autres choses encore de ce grand et beau pays, le Sénégal, nous en avons fait la découverte en préparant ce numéro.
Bonne lecture !