Certaines ONG savent influencer le contenu d’un journal en leur faveur

Mise en ligne: 13 juillet 2016

Le travail des rédactions est largement influencé par la demande des lecteurs, propos de Camille Goret recueillis par Antonio de la Fuente

Camille Goret, vous êtes journaliste au journal belge Metro où vous couvrez l’actualité du développement. Quels sont les sujets que vous avez fait connaître ce dernier temps et pourquoi les avez-vous choisis ?

Récemment, nous avons parlé des programmes cofinancés par l’Union européenne au Sénégal. Ce sont des projets qui entrent bien dans l’actualité, puisque la politique de développement de l’UE est désormais très liée à la question migratoire. Il s’agit souvent de donner des raisons aux migrants de ne pas partir. C’est un sujet très intéressant, car on sent une réelle volonté de résultat, du fait du contexte migratoire. Mais le traitement de cette question correspond plus à une opportunité qu’à une initiative propre, puisque ces articles ont fait suite à une invitation de la Commission européenne.

Y a-t-il un sujet que vous voudriez particulièrement couvrir ?

Il y en aurait des dizaines. Tout ce qui tourne autour de l’adaptation au changement climatique et à la manière dont les communautés s’y adaptent me passionne. Ce qui m’intéresserait vraiment, c’est de voir comment vont s’adapter les populations des régions polaires. Ces sujets sont peu suivis, puisque seuls quelques dizaines de milliers de personnes sont directement concernés. Pourtant, le destin de ces populations est un avant-goût de ce qui nous attend tous.

Etant Metro une publication gratuite, financée par la publicité, est-ce que des bailleurs de fonds, ONG, entreprises ou autres acteurs peuvent prétendre à voir publié un sujet qui les intéresse dans les pages de Metro ?

Tout dépend des sujets qui les intéressent. Nous choisissons nos sujets en pensant à nos lecteurs plutôt qu’à ce qui intéresse l’une ou l’autre organisation. Après, certaines ONG savent influencer le contenu d’un journal en leur faveur, simplement en invitant des journalistes. Des crises oubliées, comme le Sud Soudan, seraient moins couvertes sans le soutien direct d’ONG. Le manque de moyens de la presse est ainsi un moyen pour des acteurs extérieurs de voir traités des sujets qui les intéressent.

La place que les questions de développement et le Sud d’une manière générale trouvent dans les médias belges et européens vous semble appropriée ?

Je ne sais pas si elle est appropriée, mais elle s’adapte aux attentes du lectorat. De nombreux journalistes le déplorent, mais l’actualité internationale n’est pas ce qui intéresse le plus le grand public. A titre purement personnel, les questions de développement sont des sujets dont j’aimerais entendre parler plus souvent. Le travail des rédactions est largement influencé par la demande des lecteurs.

Le quotidien espagnol El País a une section destinée aux questions de développement et propose des ateliers de formations spécifiquement consacrés au journalisme humanitaire. Est-ce que la dénomination « journalisme humanitaire » a du sens, d’après vous ?

Tout dépend ce que l’on entend par journalisme humanitaire. A mes yeux, il n’y a que le journalisme, et tout le reste est une affaire d’angles et de choix rédactionnels. Je ne pense pas qu’une rubrique consacrée aux crises aurait beaucoup de succès auprès de notre lectorat. Ecrire sur les solutions que des individus y apportent aurait certainement plus de succès. Cela dit, tout est une question de lectorat, chaque média travaille en fonction de son public.