Jean-Claude Mullens, vous êtes formateur à l’Institut de formation sociale et à ITECO. Vous arrive-t-il de lire une revue associative ?
JCM : Oui, plus particulièrement celles qui sont liées à des thématiques en relation avec mon travail, surtout Antipodes et l’Agenda interculturel. Je n’ai malheureusement pas le temps d’avoir une vision exhaustive des revues qui portent sur les thèmes sur lesquels je travaille. J’ai toutefois l’impression que les périodiques associatifs sont souvent trop vagues, on ébauche des questions en employant abusivement le style journalistique de la suffisance. J’ai souvent l’impression que les périodiques, comme les journaux traditionnels, semblent viser la gentille ménagère de 40 ans ou le gentil manager-citoyen-responsable, afin de les convaincre du bien fondé et de l’intérêt de telle ou telle problématique. J’ai pourtant l’impression que les lecteurs des périodiques associatifs ont souvent moins besoin d’être convaincus de l’importance de telle ou telle problématique que d’avoir des éléments utiles dans leurs pratiques associatives : des extraits d’entretiens, des données statistiques sur des faits sociaux, des documents de synthèses sur des problématiques, des prises de positions critiques et bien argumentées par rapport à des projets “ à la mode ”, des récits d’expériences avec un maximum de détails sur les acteurs, les contextes et les processus de réalisation des projets.
Vous arrive-t-il d’en jeter l’une ou l’autre à la corbeille ?
JCM : Non, parce qu’il y a la plupart du temps du travail derrière ces publications. Donc, par respect de ce travail, je me vois mal jeter à la corbeille un périodique. De plus, je pense que les périodiques sont le produit d’univers sociaux et culturels, et qu’à ce titre, ils méritent d’être conservés comme traces de réalisations sociales et culturelles concrètes d’une époque et d’un milieu. Toutefois, il m’arrive d’être déçu par des périodiques associatifs. Par exemple le dernier périodique d’Amnesty International sur le Zimbabwe m’a déçu par son manque de perspective par rapport à ce pays, et sa façon de jeter l’opprobre sur un processus social en se focalisant sur la personnalité de Mugabe, comme si ce genre de processus était réductible à Mugabe et à son entourage. Pire, cette photo de Mugabe sur la couverture, qui sous-entend un lien entre ce dernier et Hitler, par l’ombre de son nez qui dessine une moustache fort proche de celle de feu Hitler. Je trouve que ce genre de clin d’oeil est choquant, dans la mesure où il s’inscrit dans la longue tradition des caricatures des dictateurs africains. Cette tradition renvoie à un genre en soi que la culture occidentale et plus particulièrement les journalistes aiment servir de façon régulière et systématique. J’attends un peu plus de finesse de la part de périodiques associatifs... Merci de ne pas plagier la suffisance de la presse traditionnelle.
A quoi peut servir une publication associative ?
JCM : A fournir des perspectives plus riches, plus documentées sur les actualités politiques et sociales, que celles qui sont offertes par les journaux traditionnels souvent à destination de la ménagère ou du manager de 40 ans, public tant couru par les annonceurs.
Y a-t-il des aspects des publications associatives que vous voudriez voir améliorés ?
JCM : Plus d’informations brutes, des extraits d’entretiens, des statistiques, des perspectives plus ouvertes, plus conceptuelles, un accent sur les enjeux, un soutien à des actions concrètes en vue de favoriser les appuis et la participation entre citoyens et associations.