Est-ce possible améliorer les
conditions de vie en préservant
l’environnement ?, par Antonio de la Fuente
Si au lieu de donner du lait, les vaches donnaient du pétrole, en Occident aussi elles seraient sacrées, dit le dessinateur espagnol Andrés Rábago. Et ce n’est pas loin des vaches que l’on est allé chercher une alternative au pétrole pour pallier le déséquilibre entre la demande énergétique croissante et le prix des carburants : ce sont les désormais célèbres agrocarburants, extraits des plantes telles que la canne à sucre, le maïs, le soja et le palmier.
Au prix du baril de pétrole, qui atteint les cent dollars, faute d’avoir des puits et des raffineries, il vaut mieux avoir des idées. Les idées de Bush pour faire face au renchérissement du pétrole et à la dépendance extrême de son pays face à l’or noir ont été celle d’envahir l’Irak et celle de produire du combustible à partir des plantes. Cette dernière idée, innocente d’apparence, est en train de changer la carte de l’Amérique du Sud, en augmentant le prix du sol et celui des céréales et en convertissant en fumée ce qui reste de la forêt native et de la jungle amazonienne.
L’Afrique, quant à elle, produit déjà plus de 10% du pétrole mondial et reçoit en échange corruption abondante et contamination. Le Nigeria, par exemple, premier producteur africain, extrait du pétrole depuis un demi siècle et, néanmoins, doit continuer à acheter tout le combustible que le pays consomme faute d’une raffinerie sur son territoire. Pendant ce temps, l’immense majorité de la population doit se sustenter avec moins d’un dollar par jour.
Ces vingt dernières années, depuis la chute du Mur de Berlin, le marché mondial a multiplié par trois son volume, ce qui produit en parallèle l’épuisement des ressources naturelles qui restent encore dans le Sud et une augmentation des émissions de CO2 dans l’atmosphère. Ces deux mouvements contribuent à l’accélération des dérèglements climatiques. Et, si la croissance produit une diminution du nombre de pauvres dans le monde, elle ne réduit pas pour autant les inégalités.
L’Inde et la Chine connaissent une croissance économique soutenue de 10%. La croissance de cette dernière entraîne celle de l’Afique qui atteint le chiffre inédit de 4%. La Chine a investi l’Afrique autant pour extraire les ressources naturelles dont elle a besoin que pour y déployer sa puissance industrielle, si bien que ces dernières semaines la Chine a dépassé le niveau des émissions de CO2 des Etats-Unis. Le défi devant lequel se trouve l’humanité toute entière est, on le voit, de taille : Comment améliorer les conditions de vie des populations en préservant l’environnement ? Comment dissocier la croissance économique de l’augmentation de la dépense énergétique ? Est-ce possible ?
Le numéro précédent d’Antipodes mettait en avant cette question essentielle : en posant la question de la décélération de la croissance au sein des pays riches pour ralentir le prélèvement qu’ils effectuent sur les ressources naturelles, le courant de la décroissance vise-t-il justement l’impasse du développement ? En prolongement à ce travail, la présente édition d’Antipodes s’efforce de regarder de près les pays émergents, la Chine, l’Inde, le Brésil, qui bâtissent leur développement sur base d’un modèle qui fait fi des équilibres environnementaux. Ont-ils une alternative ? Quel est le prix de la croissance à tout prix ?
Bonne lecture.