Par Justine Contor
Dans cet article, nous revenons sur les programmes concrets de la réforme à travers les dispositifs de gouvernement successifs dans le sous-secteur des ONG. Rappelons que notre entrée sur le terrain s’est faite via une controverse relative à la mise en œuvre du screening, dont nous avons proposé une analyse diachronique, d’une part, avant d’en examiner les effets, d’autre part.
Nous montrerons ici comment les différents dispositifs (disciplinaires) étudiés agissent à la fois comme agents du néolibéralisme, tout en créant, dans le même mouvement, les conditions de possibilité de résistance à ses injonctions. Ainsi, faire la généalogie des dispositifs (comme proposé dans l’article précédent) met en évidence les processus de construction des programmes de gouvernement (Rose et Miller, 1992), les espaces de résistance qui s’ouvrent et les différents acteurs qui gravitent autour et à l’intérieur de ces mécanismes de résistance, mais cela montre aussi, dans le cas étudié, l’affaiblissement progressif de ces espaces face aux injonctions gestionnaires.
Aborder la transformation des sujets par la disciplinarisation offre la possibilité de mettre en perspective une dialectique centrale dans l’analyse de Foucault : celle de « pouvoir – résistance ». En effet, « là où il y a pouvoir, il y a résistance » (Foucault, 1976, p. 125). La résistance, nous dit Revel, « est la possibilitéde creuser des espaces de luttes et de ménager des possibilités de transformations partout » (Revel, 2004, p. 53). Ainsi, s’intéresser aux processus de disciplinarisation (néolibérale) des ONG donne à voir, en creux, les moments et les espaces de résistance créés au cours de l’histoire par différents acteurs.
Foucault a d’ailleurs analysé au long de son oeuvre les transformations historiques des relations entre savoirs et pouvoirs et « comment les techniques intellectuelles contribuent au gouvernement à distance et à façonner les sujets » (Jeanpierre 2006 : 99) en d’autres mots à les discipliner.
Le concept de dispositif est entendu ici, selon la définition désormais classique de Foucault, comme « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit aussi bien que du non-dit. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments » (Foucault, 1994, p. 299). Leur analyse doit dépasser la dimension exclusivement matérielle de concepts tels que ceux d’outils, d’instruments ou encore d’instrumentation en intégrant le niveau discursif qui l’accompagne. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’étudier la gestion comme praxis (c’est-à-dire comme conduite des organisations), mais de saisir les actes langagiers, les démarches, les outils, les techniques, les rôles, les institutions et les organisations qui participent à sa croyance généralisée (Boussard, 2008).
Dès lors, comment se nouent les rapports de pouvoir et de résistance au sein des dispositifs qui coordonnent les interactions entre différents sujets ? Nous revenons ici sur quelques moments clés de l’histoire des dispositifs, la façon dont ils agissent sur les sujets et les disciplinent. Nous verrons que si les dispositifs gestionnaires disciplinent le sujet, ils ne s’imposent toutefois jamais totalement ou, à tout le moins, linéairement, c’est-à-dire sans faire l’objet de contestation. Ils sont toujours le fruit de négociations et, partant, de résistances.
Cette démonstration s’appuie sur quatre moments illustratifs de résistance que sont la contestation des résultats du premier screening, l’intégration de la notion de complexité dans le second screening, le refus de la mise en concurrence formelle des ONG par le biais d’appels à projets et, enfin, la mise en place de l’instrument de financement de la demande groupée.
Replongeons-nous un bref instant en 2005 dans le contexte du premier screening. À la suite de la crise de la coopération belge, une étude menée en 2001 par une branche de la société de consultance IBM recommande, entre autres, de (re)financer les ONG par une double modalité : le projet et le programme. En outre, la modalité programme deviendrait accessible via la mise en place d’une étape de certification des ONG recouvrant un niveau minimal de qualité en matière de résultats sur le terrain et en matière de gestion interne. Notons par ailleurs, que cette étude d’IBM marque l’avènement d’une forme d’ingérence du secteur privé (et de ses recettes gestionnaires) dans le secteur public – typique du new public management. Pour ce qui concerne la coopération non gouvernementale, la place du secteur de la consultance privée se renforce notamment lors du 1er screening, mis en oeuvre en 2005 par une société privée d’audit, PricewaterhouseCoopers (PwC).
Ce premier exercice marque un tournant dans la collaboration entre la DGD et les ONG. D’abord, l’administration intègre un tiers, à savoir la société d’audit en charge de la mise en œuvre ; ensuite, elle considère que ce qui est prévu dans la règlementation ne suffit pas, ajoutant des critères de sa propre initiative. Les acteurs expliquent qu’un grand nombre de structures échouent au premier tour de ce (premier) screening. À l’époque, le secteur discute beaucoup des résultats, à tel point que sera négociée avec la DGD une phase de « repêchage » qui permettra in fine à la quasi-totalité des ONG de le réussir. Il s’agit ici d’un exemple de « sanction normalisatrice » (Foucault, 1975) puisqu’en jouant le jeu du repêchage les ONG acceptent par la même occasion la reconfiguration de leurs modes d’existences. Cependant, ces résultats finaux génèrent un sentiment de frustration au sein de l’administration : un gros investissement pour peu de résultats en termes de rationalisation du secteur.
Ce court récit illustre la tension entre le renforcement de la contrainte gestionnaire et la résistance du secteur. En ce qui concerne le premier, le renforcement de la pensée gestionnaire est le fruit de la rationalité néolibérale, exercée par l’administration à travers la mise en œuvre de ce premier screening. Pour ce qui est de la résistance des acteurs, elle révèle que les ONG renégocient les résultats et évitent ainsi à de nombreuses structures une situation d’échec qui aurait signifié la fin de leur financement et de leurs activités, mais montre également la volonté des ONG de rester dans le jeu.
En 2015, l’administration organise un second screening des ONG de développement. Dix années se sont écoulées depuis le premier exercice d’audit et avec elles une accélération de la diminution du personnel de la DGD, tandis que le nombre des ONG a peu diminué. Rappelons aussi que les premières discussions autour du second screening se font durant l’année 2013, alors que le secteur est placé sous la responsabilité d’un ministre francophone socialiste. D’ailleurs, il est à pointer que malgré les alternances politiques du porteur de portefeuille, la continuité du projet démontre que l’objectif de transformation du secteur dépasse les clivages partisans.
De leur côté, durant cette décennie, les ONG se sont engagées, par le biais de leurs fédérations, à développer de façon autonome une (autre) approche de gestion de la qualité en choisissant le dispositif EFQM qui favoriserait une méthode d’auto-apprentissage pour assurer une amélioration des processus de gestion interne. Même s’il existe des différences de comportement entre les structures quant à la mise en place de EFQM, les ONG espèrent par ce biais se préparer pour le futur et second screening, voire en négocier les modalités. Pour sa part, l’administration a aussi connu la mise en oeuvre d’une vaste réforme interne avec le Plan Copernic (de Visscher & Varone, 2004) qui visait à implémenter les principes du new public management au sein de l’ensemble des services publics fédéraux belges. Les critères du second screening sont développés par une nouvelle société privée d’audit (BDO), en coopération avec l’administration mais sans négociation avec le secteur. Les critères d’agréments sont davantage ciblés et ont changé de registre, devenant un audit, soit un examen de la capacité de gestion des ONG.
Ce faisant, pour analyser la mise en place du screening, nous proposons de résumer les cinq étapes du processus disciplinarisation décrit part Foucault (Foucault, 1975) en trois points.
Selon le philosophe français, « la pénalité perpétuelle qui traverse tous les points, et contrôle tous les instants des institutions disciplinaires compare, différencie, hiérarchise, homogénéise, exclut. En un mot elle normalise. » (Foucault, 1975, p.215).
Une première étape vise donc à rendre la comparaison possible. Pour cela, les actes et les performances des sujets (ONG et individus dans notre cas) sont référencés. Des valeurs seuil ou des moyennes sont créées sur base de ces performances et les sujets doivent s’en approcher. Ainsi les sujets sont hiérarchisés par rapport à leurs capacités, en l’occurrence de gestion dans le cas du screening. L’examen, ou ici l’audit, est un dispositif de choix dans ce processus car il combine des techniques de surveillance et de sanction qui normalisent.
En outre, l’examen place les individus dans un « réseau d’écriture » par l’accumulation de documentation. Dès lors, l’audit, entouré de ces techniques documentaires, fait de chaque ONG un cas – c’est-à-dire qu’il peut être décrit, mesuré, jaugé et comparé à d’autres (ibid., p. 224). Le screening portait précisément sur l’analyse de la preuve par le document écrit.
Une seconde étape consiste à homogénéiser les sujets par la sanction. Cette sanction normalisatrice considère que tout ce qui est inadéquat à la règle, tout ce qui s’en éloigne, est non-conforme (ibid., p. 210), ce qui a pour effet de rappeler la norme et d’inciter les sujets à s’y conformer.
Enfin, la troisième étape consiste à définir une limite qui elle-même place l’ONG du bon ou du mauvais côté de la moyenne : par exemple, soit une ONG réussit le screening et est accréditée, soit elle y échoue et n’est plus une ONG reconnue par l’État. Cette réflexion montre la manière dont le screening permet la comparaison, l’établissement d’une norme et partant le rappel de cette norme.
Les dix domaines de gestion qui servent de base à l’audit sont définis dans la législation [1] : ils doivent permettre de vérifier « la qualité du système performant de maîtrise de l’organisation ». L’un de ces domaines concerne « la capacité de gestion de la complexité », entendue comme « le volume et la complexité des interventions menées ». Ce critère relatif à la notion de complexité est le résultat d’une négociation du secteur avec l’administration. En effet, il s’agissait de s’interroger sur la manière de préserver les petites organisations dont les structures de gestion sont moins développées. Cette réflexion résulte d’échanges entre les fédérations et l’administration. En effet, comme le montre l’extrait suivant, certains intervenants insistent sur la nécessité de prendre en compte les spécificités de ces petites structures, montrant une coopération à deux vitesses.
Si l’adjonction de cette dimension doit permettre de protéger les petites structures, il ne faut toutefois pas surinterpréter la logique de préservation des petites entités. En effet, le screening, malgré son critère de « complexité », aura pour effet d’exclure pas moins de 30 % des ONG du mécanisme de co-financement : il s’agit essentiellement des plus petites ONG.
Revenir sur ce moment spécifique d’intégration de la notion de complexité comme critère lors du screening met en évidence tant le processus de contre-conduite des acteurs du secteur, que le rôle de médiation joué par la DGD. En effet, la prise en compte de la complexité d’une structure est le résultat d’une connaissance fine de l’administration en ce qui concerne son secteur, mais aussi des discussions avec les fédérations. En ajoutant cette dimension, l’administration et les fédérations s’assurent que les petites ONG sont considérées et ne seront pas mises en difficultés par le processus screening qui est devenu beaucoup plus exigeant et qui, de par sa mise en œuvre, permet moins facilement de le contester.
Un autre moment de contre-conduite important est le refus par le secteur d’une mise en concurrence explicite. En 2015, le ministre libéral flamand (actuel 1er Ministre) De Croo propose de mettre en place un financement dans une logique de mise en concurrence formelle. Il est utile de rappeler que cette proposition est présentée alors que le secteur vient de passer le screening. Les acteurs sont éprouvés par ce moment de fortes tensions et doivent trouver une nouvelle énergie pour l’élaboration et le dépôt de programme, seuls ou désormais en commun.
De son côté, le ministre propose un financement des ONG à travers la modalité des appels à projets, un dispositif éminemment néolibéral, puisqu’il organise une mise en concurrence des acteurs et, partant, une situation de (quasi) marché sur le modèle de ce qui a été mis en place aux Pays Bas (Boomsma et O’Dwyer 2019) ou encore au Canada.
Le screening avait permis de mettre en évidence les ONG les plus et les moins performantes en matière de capacité de gestion interne, eu égard au classement produit. S’il s’agit bien là de la production d’un « signalement de la valeur gestionnaire » de chaque entité, la mise en concurrence (formelle) demeure considérée par le secteur comme une étape inacceptable.
Cette proposition a alors provoqué une forte mobilisation, si bien que cette fois-ci, tous les organes représentatifs (fédérations et coupoles) marquent leur opposition.
Si cette opposition massive a pu apparaître comme un acte fort et éminemment solidaire de la part du secteur des ONG, refusant cette mise en concurrence formelle, les conséquences concrètes de ce « coup de force » sont toutefois à nuancer. En effet, l’abandon de la mise en concurrence s’est accompagné d’une contrepartie : l’instauration des cadres stratégiques communs (CSC). Ces CSC s’apparentent à des groupes de travail inter-ONG et visent un projet de synergie et de travail en complémentarité dont l’objectif ultime est d’éviter la dispersion de moyens des ONG intervenant sur un même territoire. Il s’agit en somme de rendre l’action de coopération indirecte plus performante et efficace par une approche coordonnée des acteurs, qui participe elle aussi d’une rationalité néolibérale. En outre, rappelons-nous que ces CSC sont, à peu de choses près, la première proposition de travail en synergie proposée par l’administration avant 2013. À l’époque, les ONG s’y étaient opposées et avaient négocié les Analyses Contextuelles Communes (ACC)3 . Cet épisode démontre aussi que ce qui était considéré comme inacceptable quelques années plus tôt est finalement toléré pour éviter une réforme encore plus fondamentale. En échangeant les appels à projets contre la rédaction des cadres stratégiques communs, les ONG ont évité une forme de mise en concurrence directe au sein du secteur de la coopération non gouvernementale. En même temps, les ONG ont accepté d’agir dans un cadre restreint pour coordonner et rationaliser leurs projets, fermant encore un peu plus l’espace de négociation entre elles et l’administration.
Si la logique de concurrence pure et formelle est refusée par le secteur comme nous venons de le voir, les négociations autour de la création des « programmes communs » montrent que les ONG ne sont pas engagées dans une logique de solidarité (un soutien aux petits partenaires), mais bien dans une logique d’efficacité et, partant, dans une forme de concurrence que l’on pourrait qualifier de latente. En effet, lors de la constitution des programmes communs, il s’agissait d’abord de trouver un partenaire dont les résultats au screening mettaient en évidence sa « qualité gestionnaire » pour élaborer un programme de travail en ligne avec les ambitions de l’administration. Ce faisant, si les ONG de développement ne sont pas encore mises en concurrence en Belgique, le secteur n’en demeure pas moins relativement avancé dans ce processus.
Ainsi, le secteur des ONG de développement agirait davantage dans un contexte de « chalandisation », entendu comme le fait de « rationaliser les organisations, à tout le moins afficher publiquement sa qualité et ses performances » (Chauvière, 2008). Cet effet de « chalandisation » participe à une forme de (quasi) marchandisation du secteur. En étant bien achalandée, l’ONG se positionne sur une forme de marché, sur lequel elle souhaite se montrer compétitive par rapport aux autres. En effet, il semblerait que ce qui compte aujourd’hui pour une ONG, c’est bien de faire la preuve de sa capacité de gestion, de mettre en évidence son professionnalisme et son efficacité de mener à bien des projets, plutôt que sa capacité à produire un contre discours politique. Cette évolution contribue, selon nous, à diminuer la capacité d’innovation politique de l’ONG.
Le dernier dispositif sur lequel nous souhaitons nous attarder est celui de la demande groupée. Cet instrument, qui est le dernier dont nous avons pris connaissance sur le terrain, constitue un exemple de la complexité de la mise en oeuvre d’un dispositif d’action publique. Il met en évidence les mécanismes de résistance du secteur ONG, notamment par l’engagement des fédérations, qui jouent une fois encore un rôle de médiation, mais aussi celui de l’administration.
En effet, la demande groupée, qui est un instrument de co-financement des ONG, résulte aussi d’une négociation entre les fédérations et l’administration. Elle permet aux plus petites structures accréditées (essentiellement francophones)4 d’être financées. La demande groupée donne un sursis à ces dernières, qui ont réussi le screening mais ne répondent toutefois pas aux exigences de seuils minimaux à atteindre pour être financées, soit via un financement direct (en tant qu’ONG seule), soit en se regroupant avec d’autres structures pour monter un « programme commun ».
Si, au premier regard, ce dispositif porté par les fédérations est envisagé de manière positive, son analyse révèle tout autant son caractère excluant puisqu’il est « théoriquement » amené à disparaître, entraînant potentiellement dans sa chute les ONG qui en dépendent. L’instrument « demande groupée » est en effet fortement critiqué par l’administration qui doit en supporter la lourde charge administrative, alors qu’elle manifeste – depuis les années 1990 – une volonté de réduire cette charge en diminuant le nombre d’ONG.
Il est intéressant d’examiner le comportement des ONG directement concernées par sa suppression. Nous avons constaté deux types de réactions, étroitement liées à la taille de l’organisation : d’une part, des ONG acceptent (par choix ou par dépit) de se regrouper, voire de fusionner avec d’autres structures pour survivre ; d’autre part, des ONG refusent ce regroupement, soit parce qu’elles ne le souhaitent pas, soit parce qu’elles ne peuvent pas mobiliser les moyens humains et financiers pour construire de tels projets. En effet, de très petites structures (moins de 5 ETP) ne possèdent pas les ressources internes pour supporter les coûts relativement importants de coordination d’un programme commun.
Ces deux réactions révèlent une différence entre les petites et les très petites structures, et révèle également une absence de solidarité entre les structures elles-mêmes.
Nous pouvons en conclure que ce dispositif de demande groupée peut être analysé comme une mesure de mise en « sursis » des petites structures. Il s’agit néanmoins bien d’un frein à la transformation néolibérale de ces dernières, mais pour un temps seulement. Le processus a aussi révélé une coopération à deux vitesses parmi les plus petites entités, provoquant l’exclusion des plus fragilisées.
Ce qui est commun à l’ensemble des moments de résistance analysés, c’est le rôle d’intermédiation joué par les fédérations d’ONG au niveau sectoriel. Elles assurent un travail de plaidoyer institutionnel qui vise à négocier le contenu des dispositifs en travaillant autant que possible avec l’administration. Mais l’implication des fédérations tend à se focaliser, au fil des réformes politico-administratives, de moins en moins sur le travail concret des ONG et leurs projets et de plus en plus sur leurs modes de gestion interne et la gestion de la coopération entre entités. On observe donc une forme d’essoufflement du rôle de plaidoyer des fédérations : elles sont désormais plus engagées dans les négociations administratives que dans le développement de plaidoyers politiques et publics, délégué aux coupoles.
Cet investissement des fédérations semble aujourd’hui moins central pour le secteur. Cela s’explique par le fait que la nouvelle rationalité politique néolibérale a mobilisé une logique gestionnaire qui a elle-même renforcé la position relative des ONG qui ont le moins recours aux fédérations. En effet, les grandes ONG ont des moyens financiers et humains importants et reconnaissent avoir peu recours à leurs instances représentatives.
Les moments de résistance analysés montrent deux choses. Le processus de négociation qui se joue autour de la mise en oeuvre des dispositifs ainsi que les relations de pouvoir qui se nouent et se dénouent montrent que les dispositifs, même s’ils disciplinent, ne s’imposent pas – ou, à tout le moins, pas sans faire l’objet de formes de résistances, de débats, de détours, voire de compromis plus ou moins favorables aux ONG. Ils sont les résultats de – chorégraphies ontologiques (Dorlin & Rodriguez, 2012 ; Haraway, 2007 ; Thompson, 2005) – qui (ré)agencent leur modalité d’existence.
Ainsi, la tension entre contrainte et résistance sort transformée par ces interactions, autant que le sujet qui les performe.
[1] Cf. l’arrêté royal du 23 août 2015 modifiant l’arrêté royal du 25 avril 2014 concernant la subvention des acteurs de la coopération non gouvernementale et l’arrêté royal du 11 septembre 2016 concernant la coopération non gouvernementale. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur à l’article précédent ou au chapitre 5 de la thèse relatif aux dispositifs. Rappelons que sur les vingt ONG concernées par la demande groupée, dix-sept sont francophones. Les deux fédérations (francophone et néerlandophone) soutiennent le processus auprès de leurs membres.