Excision : la femme assise sur un couteau se lève pour désarmer ceux qui l’agressent

Mise en ligne: 12 juillet 2012

Somalie, Guinée-Conakry, Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Libéria, Erytrhée, Djibouti, Gambie, Mauritanie… la géographie de l’excision est étendue, par Antonio de la Fuente

Partie de Casamance, au Sud du Sénégal, au début des années quatre-vingt, Khaddiatou Diallo est arrivée en Belgique sans bagage scolaire. Elle a appris à lire et à écrire au cours du soir du collectif Alpha de Saint-Gilles. Devant le jury d’Etat pour obtenir le certificat d’études de base, elle a présenté un travail sur le thème des mutilations sexuelles et le mariage forcé. Ces thèmes la concernaient pour les avoir vécus.

En faisant ce travail, Khaddiatou Diallo a découvert avoir été dupée pendant son enfance. Elle affirme avoir vu son jardin dévasté. Mais elle a découvert aussi qu’elle n’était pas la seule. Plus de cent millions de femmes dans le monde ont été excisées, en Afrique subsaharienne principalement. Excisées, circoncises ou infibulées, plus précisément. L’excision est l’ablation du clitoris et des petites lèvres vaginales tandis que l’infibulation est la couture des grands lèvres vaginales. Cette pratique aurait son origine dans l’Egypte ancienne, d’où son nom d’ « infibulation pharaonique ». Deux millions de petites filles vivraient chaque année une telle torture.

Pourquoi, donc ? Une fille qui n’est pas excisée ne serait pas mûre, ni propre, et plus tard ne trouverait pas un mari. La décision de l’excision est prise en famille, le plus souvent par la mère et les aînées de la communauté. Le père peut être consulté mais le plus souvent il dira que ce sont là des affaires de femmes. La mutilation génitale ferait barrage à l’infidélité et au viol. Pour Khaddiatou Diallo, il s’agit tout simplement d’humilier la femme pour mieux la soumettre.

Elle a découvert le besoin d’écoute et de parole des victimes de l’excision et a donc créé le Groupement d’hommes et de femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines, Gams. Tout en continuant à se former, notamment auprès du Service international de recherche et d’action sociale, en tant que femme-relais dans la lutte contre le sida auprès des migrants. Les liens entre le sida et les mutilations sexuelles sont multiples et il y a notamment le fait que les petites filles sont excisées en groupe avec les mêmes outils.

Ces pratiques sont interdites par la loi en Belgique et en Europe. Pour dissuader de la tentation d’envoyer les filles en Afrique pour accomplir une excision, la loi belge prévoit qu’acteurs et instigateurs peuvent être poursuivis en rentrant sur le territoire belge. Le combat du Gams est que les excisions n’aient pas lieu. Protéger les enfants, principalement, étant donné que pour les femmes il est trop tard. Les activités que le Gams propose intègrent des informations sur le fonctionnement du corps humain, sur les rapports mère-enfant et entre les sexes. Le public a des origines différentes : Somalie, Guinée-Conakry, Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Libéria, Erytrhée, Djibouti, Gambie, Mauritanie… la géographie de l’excision est étendue.

L’action de Khaddiatou Diallo et du Gams ne s’arrête pas en Belgique. Au Sénégal, le Gams mène un projet pilote sur treize villages, avec des cours d’alphabétisation en langue poular, ainsi qu’en teinture et savonnerie, pour parvenir à ce que les femmes pratiquant l’excision « rendent les couteaux », au sein d’un projet cofinancé par Vie féminine et des bailleurs japonais.

Khaddiatou Diallo a participé aussi à des ateliers de méthodologie au Monde selon les femmes, a intégré la plate-forme belge Migrations et développement et à présent suit la formation Ici et ailleurs, que faire ?, à ITECO. « Pour connaître les mécanismes politiques et voir plus clair par rapport à mon engagement, savoir jusqu’où je peux aller. Je ne connaissais par exemple rien sur la dette du tiers monde. Je me disais que cela venait sans doute du temps de l’esclavage, je ne pouvais pas imaginer l’ampleur d’une telle arnaque. Maintenant que je sais ce que c’est, je voudrais que les gens quittent le fatalisme et relèvent le défi. Il faut se battre et trouver des solutions ».

« La femme assise sur un couteau », du nom d’un programme vidéo produit par le pendant français du Gams, se lève pour désarmer ceux qui l’agressent.