Du sang sur mon GSM

Mise en ligne: 5 octobre 2015

Après des semaines de tractations en coulisses, en avril 2001, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a partiellement rendu public le rapport des experts de son organisation sur le pillage des ressources du Congo, telles que le diamant, l’or et le bois précieux par les pays en guerre. Le coltan, un minerai contenant un métal utilisé pour la fabrication des GSM, est particulièrement convoité. Parmi les recommandations des experts pour s’attaquer au financement d’une guerre qui a déjà coûté la vie à 2,5 millions de personnes figure un embargo sur le commerce de ces produits avec le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda.

Ce rapport démontre que le pillage systématique du coltan, de l’or, du bois et des autres ressources du Congo constitue non seulement une source de financement mais également un enjeu important de la guerre. Dans certaines régions du Sud-Est du Congo occupées par le Rwanda, trois enfants sur quatre meurent de maladie et de malnutrition avant l’âge de deux ans.

Qu’en pense la Belgique ? Louis Michel, ministre des affaires étrangères, a refusé jusqu’à présent de répondre aux questions des parlementaires et des journalistes sur le rapport. Pourtant, la Sabena et la Sogem, filiale d’Union minière, ainsi que onze autres sociétés belges sont nommément citées dans le rapport. Grâce à elles et à d’autres acteurs privés, le Rwanda aurait perçu au moins 12 milliards de FB de l’exportation de coltan pillé. Ces recettes ont été utilisées pour financer la guerre et pour contourner les limites imposées par le FMI et la Banque mondiale en matière de dépenses militaires, affirment les experts.

Et les entreprises impliquées ? Sans surprise, elles considèrent qu’il n’y a rien à signaler. « Il n’y a absolument rien d’illégal à transporter du coltan », a déclaré un porte-parole de la Sabena. De son côté l’Union minière affirme ne faire des affaires qu’avec « des acteurs de bonne foi », sans toutefois expliquer ce que cette expression signifie dans un contexte d’occupation et de verrouillage du commerce du coltan par les militaires rwandais. Ces sociétés belges ne semblent donc guère s’émouvoir du fait qu’elles constituent, selon l’expression des experts, « des maillons essentiels dans une chaîne d’exploitation et de continuation de la guerre ». L’aide accordée par la Belgique au Congo ne servira à rien si rien n’est fait pour s’attaquer aux causes du conflit. La Belgique doit faire entendre sa voix aux Nations unies, au sein des institutions financières internationales et, cela va sans dire, au sein de l’Union européenne dont elle assume la présidence. Mais pour cela, la Belgique doit d’abord balayer devant sa propre porte. Cela implique, entre autres, une enquête rapide sur l’implication de sociétés belges dans le pillage du Congo et le financement de la guerre et sur les possibilités qu’offre le droit belge de sanctionner ces sociétés. L’initaitive Pas de sang sur mon GSM !, soutenue par 3.534 personnes et organisations, demande une enquête parlementaire sur l’ implication de sociétés belges dans le commerce des ressources pillées au Congo et le financement de la guerre, des initiatives pour mettre un terme à ce commerce et une offensive diplomatique de la Belgique en faveur de la mise en œuvre des recommandations des experts des Nations unies. http://www.sosfaim.be/docs/coltan/ sms_fr.htm