Mise en ligne: 5 octobre 2015
Le regard du démographe est singulier : Sans l’immigration, l’Europe serait en déclin démographique. Et le développement des pays pauvres contribuera, dans un premier temps, à augmenter les flux migratoires, par Antonio de la Fuente
Michel Loriau, démographe
- L’expression « Nouveaux Belges » a-t-elle un sens d’un point de vue démographique ?
- Ce n’est pas d’usage courant dans le vocabulaire démographique, mais si par là on désigne les populations d’origine étrangère qui accèdent à la nationalité, cela prend un sens. Pour vous, elle a une définition plus large ?
- Elle désigne parfois les étrangers qui arrivent en Belgique ou, d’une manière plus précise, ceux d’entre eux qui acquièrent la nationalité belge.
- L’accession à la nationalité, c’est une chose, qui se différencie du phénomène migratoire. Les démographes sont plus concernés par le phénomène migratoire, qui est un des éléments essentiels du mouvement démographique. Dans l’histoire, les grands changements dans le peuplement de la planète sont dus aux migrations plus qu’à des facteurs comme la natalité et la mortalité. Dans une période plus récente, comme la mortalité et la natalité ont évolué, de façon lente, notamment du côté de la natalité, l’apport migratoire a été parfois plus décisif pour modifier les conditions d’une population, en nombre, en structure par âge. Mais on avait l’impression ces années récentes que le processus s’est ralenti, puisque les restrictions aux migrations ont eu un certain effet. Mais de plus en plus on est convaincu qu’on a affaire à de nouvelles migrations d’une intensité comparable à ce qu’on a pu avoir dans les siècles antérieurs, et que malgré les dispositifs légaux restrictifs, c’est un élément puissant de la dynamique démographique. Maintenant, les migrants acquièrent-ils plus ou moins facilement la nationalité du pays dans lequel ils sont, cela est lié à des pratiques légales qui peuvent varier d’un pays à l’autre. On a vu qu’il y a quand même une tendance à régulariser des situations. C’est un phénomène plus important que par le passé.
- En Espagne, par exemple, après des années de stagnation, le chiffre global de la population s’est mis de nouveau à augmenter, grâce notamment à l’immigration récente.
- Du point de vue de ce que les démographes appellent le mouvement naturel, c’est-à-dire uniquement le jeu des naissances et des décès d’une population fermée, là il n’y a plus beaucoup de changements. La tendance pourrait être au déclin puisque la fécondité est tombée en dessous du niveau qu’on appelle de remplacement des générations. Et donc s’il n’y avait que le mouvement démographique naturel, l’Europe dans son ensemble serait en diminution démographique. Or, elle reste en fait en stagnation ou en faible croissance et ce sont uniquement les mouvements migratoires qui le permettent. Donc les migrations continuent malgré les obstacles qu’on y a mis à jouer un rôle important dans l’évolution démographique des pays. Un rôle important qu’il faut aussi relativiser. En termes de nombre oui, l’émigration joue un rôle, en termes de structure d’age c’est moins évident. Dans certains débats on a souvent présenté l’émigration ayant un effet compensatoire de lutte contre le vieillissement des populations locales. C’est moins vrai que ce qu’on a tendance à croire.
- Pouvez-vous expliquer cette distinction entre nombre et structure ?
- Le nombre de populations d’origine extra-européenne a un effet sur la croissance démographique, elle permet d’arriver à une croissance légèrement positive. Si le mouvement était d’une ampleur plus grande, cela permettrait d’avoir une croissance nettement plus importante. Généralement on attribue une dynamique plus forte aux populations étrangères parce que l’expérience passée a montré que ces populations sont dotées d’une structure plus jeune et ont au point de vue familial un niveau de fécondité supérieur à celui des populations d’accueil. Ces deux facteurs mis ensemble peuvent contribuer à accroître le nombre et à provoquer un certain rajeunissement des populations. Mais là où il faut relativiser, c’est parce que en réalité, même si il y a des écarts assez importants au départ entre la fécondité des populations étrangères et des populations d’accueil, très vite une espèce d’assimilation se produit, qui fait que les populations étrangères ont tendance à adopter des comportements en termes de fécondité qui se rapprochent des comportements nationaux. En une génération la différence est quasiment effacée. Cela joue, mais marginalement, et ne justifie pas les espoirs que certains mettent sur la migration comme facteur de régulation de nos structures par âge. Notre structure par âge évolue assez fortement dans le sens d’un vieillissement ce qui est lié à deux facteurs : la fécondité et la natalité qui sont fortement en baisse. En moyenne européenne, on est environ à 1,5 enfant par femme alors qu’il faudrait un peu plus de deux pour assurer le remplacement. Il y a déjà un écart important. Du côté de la mortalité, elle continue à reculer et contrairement à ce qui se passait autrefois où elle profitait surtout aux jeunes enfants, donc c’était plutôt un facteur de rajeunissement, maintenant comme les taux de mortalité sont très faibles du côté des enfants, il n’y a plus que du côté des personnes âgées que les progrès se réalisent. Cela veut dire allongement de la vie moyenne et vieillissement supplémentaire. Nous sommes soumis actuellement à la fois à un vieillissement par le bas de la pyramide des âges, parce que la fécondité diminue, et à un vieillissement par le haut dû au fait que les générations âgées sont de plus en plus nombreuses vu qu’elles ne subissent plus les attaques de la mort comme autrefois et qu’elles arrivent a survivre dans des âges qui vont parfois jusqu’à cent ans. Ces deux facteurs mis ensemble sont un facteur de transformation structurelle important. Les changements les plus importants, ce sont les rapports de structure, les rapports entre les générations jeunes et âgées, et c’est à propos de ces changements qu’on évoque des problèmes potentiels, d’où l’idée un peu simpliste que les populations étrangères pourraient corriger le tir.
- C’est dans ce sens qu’allait ce rapport des Nations unies en 2000 qui a fait beaucoup de bruit.
- Oui, les Nations unies ont sorti un rapport sur ce qu’elles appellent les migrations de remplacement, en montrant pour différentes régions du monde, qui sont généralement des régions d’immigration, les effectifs de migrants qu’il faudrait faire venir au cours des prochaines décennies (2050) pour atteindre ces objectifs. Cela varie très fort selon les objectifs. L’objectif le plus facile, c’est combler le déficit démographique global, faire en sorte que la population ne diminue pas. Il y a des objectifs plus ambitieux : faire en sorte que la structure par âge se stabilise. Mais l’objectif le plus ambitieux était de faire en sorte que les rapports entre jeunes et vieux restent à leur situation de 2000. Et là cela donne des résultats presque inimaginables. Ils n’ont pas produit de calculs séparément pour la Belgique, mais pour l’ Union européenne. Sur cinquante ans, il faut quelque chose comme 800 millions de migrants qui donneront naissance avec leurs descendants, parce qu’en plus ils tiennent compte du fait que les migrants ont des descendants à 1 milliard 300 millions de personnes. Or on part d’une Europe qui compte 360 millions d’habitants. Pour maintenir constant le rapport entre les actifs et les inactifs il faudrait faire venir des flux migratoires de plusieurs centaines de millions. Ces migrants une fois assimilés deviendraient progressivement non-migrants puisqu’ils seraient sans doute nationalisés dans différents pays européens. Cependant, si on continue à considérer que leurs descendants sont des descendants de migrants cela ferait 1 milliard 300 millions d’apport migratoire pour une Europe quatre fois moins nombreuse actuellement. Tout le monde a dénoncé ces calculs, non pas la migration, mais en disant que c’est complètement absurde d’imaginer cela uniquement pour payer nos pensions. Parce que c’est cela le raisonnement, ce n’est pas pour réduire la misère du monde, c’est juste un point de vue occidental très égoïste pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale. A mon avis, c’est une espèce de démonstration par l’absurde parce que raisonnablement on ne peut pas imaginer qu’en si peu de temps on accueille quatre fois plus d’habitants, de tels flux migratoires seraient insoutenables et créeraient sans doute des problèmes au sein des populations.
- Il y a cependant des exemples dans l’histoire de flux migratoires de grande ampleur.
- Oui, des flux migratoires importants vers les Etats- Unis, la Nouvelle Zélande, l’Australie, mais là c’était des flux de peuplement. Mais en un demi-siècle multiplier la masse par un facteur migratoire 2, 3, 4, cela ne me paraît pas très réaliste, quand on voit les problèmes qu’on a aujourd’hui à accueillir quelques centaines de milliers de personnes. A ce propos, Lebras, un démographe français, montrait les effets des migrations sur la répartition par âge. Pour la Belgique, par exemple, sans apport migratoire, sur la période 1950- 1984, pour les 0-19 ans, il y aurait 26 % de jeunes, et 27 % telle qu’elle a évolué avec les mouvements migratoires. Les vieux, les 65 ans et plus, presque 15 % en population fermée, 14 % en population réelle. L’impact n’a pas été énorme, alors qu’il y a eu des flux migratoires non négligeables. Pour avoir un vrai impact, comme on l’imagine dans les modèles des Nations unies, il faudrait donner des effectifs énormes de plusieurs centaines de millions de personnes. Il y a un argument qui n’est pas souvent présenté et qui me parait essentiel : on ne s’interroge jamais sur l’origine des migrants et sur le sort des pays dont ils sont sortis. Or, à partir du moment où l’émigration se ferait sur des échelles aussi énormes, il y aurait des déficits de population importants dans ces pays. 12 ANTIPODES n° 154 - septembre 2001 Bien sûr, ils représentent des réservoirs énormes de main-d’œuvre mais en même temps les populations qu’on pense intégrer, que ce soit aux Etats- Unis avec leur politique d’émigration, au Canada ou en Europe, si jamais l’Europe allait dans cette voie-là, ce serait des populations assez spécialisées dans des secteurs où il y a des pénuries de compétences. Dans le passé, c’était plutôt une main-d’œuvre non qualifiée pour des travaux que les locaux n’acceptaient plus de faire. Maintenant le visage de l’immigration changerait assez fortement parce qu’on demanderait des qualifications comme du personnel paramédical, des informaticiens, etc. Et cela veut dire qu’on priverait les populations locales d’une partie de leur main-d’œuvre, même si elles ont du mal à l’utiliser maintenant. Cela dépasse de loin le problème d’assurer la sécurité sociale, c’est vraiment un problème de développement entre le Nord et le Sud. Dans le passé, on a pillé leurs ressources naturelles, maintenant on va piller leurs ressources humaines, c’est peut-être un peu slogan, mais c’est vrai. Pendant longtemps c’était toutes les matières premières qui nous intéressaient et puis maintenant ce qui nous intéresse c’est la main-d’œuvre. Si il n’y a pas des accords internationaux qui régulent ces processus et qui font que les pays qui reçoivent ont un avantage mais les pays qui libèrent devraient en avoir et pas simplement perdre leur main-d’œuvre, ce sera dramatique. Si l’Europe reste avec ces flux migratoires actuels assez bas et que les Etats-Unis continuent avec des politiques d’accueil de population étrangère, en partie qualifiée, il pourrait se produire un déséquilibre de marché énorme d’ici un siècle. On a cité des chiffres du genre : l’Europe qui est actuellement dominante par rapport aux Etats- Unis en termes de taille de population pourrait se trouver dans une situation où elle aurait 100 millions de moins que les Etats-Unis. Le Canada, par exemple, ne cache pas avoir une politique de qualification. Les gens sont accueillis en fonction d’une cotation qui tient compte de leur qualification, de leurs ressources financières, de leur capacité linguistique et au bout du compte vous avez une note, et c’est la note qui décide si vous pouvez entrer ou pas. Les Américains font quelque chose de plus subtil avec une loterie, mais moi j’ai toujours pensé que c’était une loterie un peu orientée.
- Malgré cela, on entend parfois dire que la Belgique est déjà un pays densément peuplé et qu’elle ne peut plus continuer à accueillir des nouvelles migrations sans voir les équilibres sociaux altérés.
- Dans le temps, on évoquait des théories de la population optimale, on essayait de déterminer l’optimum de population, qui correspond au maximum de bien-être. Il y a eu des théories économiques qui ont été développées, des colloques, puis cela a été un peu abandonné ne paraissant pas très réaliste. C’est facile de discourir théoriquement, mais il est difficile de mesurer l’optimum, de l’estimer vraiment. Pour la Belgique, les estimations tournaient autour de la population actuelle. Au cours du XIXe et du XXe siècle, la Belgique a eu une forte croissance démographique, depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui elle a presque doublé ses effectifs. Par contre depuis plusieurs décennies, on est dans une sorte de plafonnement. Si on ressort l’optimum, il y en a qui ont tendance à le faire dans certains débats, on peut dire qu’on a atteint l’optimum et c’est dangereux au-delà de croître encore parce qu’on entre dans la phase de déclin de bien-être pour l’ensemble de la population. Mais je crois que ce sont des théories devenues désuètes, parce que c’est pratiquement impossible à calculer cet optimum. Bien sûr par rapport à certains pays où la densité est beaucoup plus faible, la Belgique a atteint un niveau relativement élevé. Il y a évidemment des exemples de densité forte avec des réussites économiques importantes, voyez Hongkong, par exemple. La densité n’est plus vraiment à elle seule un facteur de développement ou de non-développement. Au contraire beaucoup de pays du Sud évoquent leur faible densité et je ne suis pas loin de penser que c’est vrai, mais évidemment cela va contre le discours des agences internationales qui essaient toutes de convaincre les pays les plus peuplés d’Afrique et d’Asie, qu’il faut réduire leur croissance démographique car elle serait l’ennemie du développement et de l’amélioration des conditions de vie. Or, en Europe et en Belgique en particulier, lors de notre transition démographique qui a accompagné la révolution industrielle, c’est en partie parce qu’il y a eu la croissance démographique qu’il y a eu de la croissance économique ou l’inverse. Je ne pense pas que l’une détermine l’autre, mais les deux conditions se sont développées parallèlement. Je pense qu’il fallait pour que l’économie de masse se développe qu’il y ait des grands marchés. Pour que les usines artisanales soient remplacées progressivement par des entreprises de grande dimension avec une baisse des coûts, il fallait qu’il y ait une offre de main-d’œuvre suffisante. Cela a été assez harmonieux dans nos pays. Naturellement au bout d’un certain temps la croissance démographique s’est arrêtée et la croissance économique s’est poursuivie. L’équation : croissance démographique = croissance économique est fausse, mais l’idée inverse que quand il y a trop de population et de croissance démographique on risque le contraire nous a été imposée par le développement des théories écologiques. Je crois qu’on ne peut pas dire grand chose là-dessus, cela dépend des contextes et le fait d’accueillir une population supplémentaire ne paraît pas impossible sous prétexte qu’on aurait une grande densité de population. Par ailleurs on entend des chefs d’entreprise qui gémissent un peu trop tôt parce qu’ils ne trouvent pas la main-d’œuvre qualifiée qu’il leur faudrait. Je suis toujours un peu soupçonneux quand ils évoquent ces arguments-là parce que ces sont des arguments d’entrepreneurs qui aiment bien avoir devant eux une forte population demandeuse de travail ce qui leur permet de dicter les conditions du marché. Il y a pénurie pour engager aux salaires relativement bas qu’ils voudraient. Un des dangers que je vois : s’il y avait des afflux massifs de population étrangère, elles feraient baisser les conditions salariales, y compris des nationaux, ce qui n’arrangerait pas les sentiments d’animosité que les autochtones ont parfois à l’égard des populations étrangères. Ce qui se passe actuellement c’est que le capital et la technologie remplacent de plus en plus le travail, donc la progression salariale n’est plus ce qu’elle a été dans le passé, et si en plus il y a des facteurs externes qui viennent jouer à la baisse, cela peut être des sources de conflits entre les populations autochtones et les populations étrangères. Je ne pense pas que nous soyons dans une situation où on doit sortir l’argument de la densité de population, cela n’a jamais été démontré, on n’est pas dans des situations de densité critique, où on se marche sur les pieds et on ne peux plus construire... Ce sont de faux arguments, mais il faut quand même les démonter même si parfois ils sont utilisés dans un sens ou dans l’autre selon les circonstances. Souvent les instances officielles se désolaient parce qu’on ne parvenait pas atteindre le plafond un peu mythique des dix millions d’habitants en Belgique. Parfois le nombre des décès dépassait celui des naissances de quelques unités, alors on disait que la Belgique s’enfonçait dans le vieillissement. C’est un phénomène normal, quand une population vieillit il y a plus de morts que de naissances, mais ce n’est pas pour autant qu’on est en déclin démographique rapide. La preuve c’est qu’on a continué à augmenter, en partie à cause des migrations.
- En résumé, il y a quelques nouveaux Belges parce qu’il y a beaucoup de vieux Belges.
- Oui, mais il faut sortir de l’équation : on prend des nouveaux Belges pour financer les vieux Belges. Je suis d’accord de voir le problème migratoire de façon plus ouverte parce que c’est vrai que cela apporterait des échanges culturels et que cela répondrait à des besoins économiques. Le danger c’est de dire qu’on amène une main-d’œuvre étrangère uniquement pour financer la sécurité sociale. Ce n’est pas un raisonnement d’intégration ou de coopération. Moi je plaide pour la coopération entre les générations puisqu’on entre dans une société multi-générationnelle, mais en même temps c’est une société multiculturelle. On ne peut Il faut sortir de l’équation : on prend des nouveaux Belges pour financer les vieux Belges ANTIPODES n° 154 - septembre 2001 15 pas y échapper, et tout ce qui attisera les rivalités entre générations sera maléfique et au contraire tout ce qui les réduira sera plutôt favorable, mais on peut en dire la même chose au sujet des rivalités entre populations autochtones et populations d’origine étrangère. Il faut accepter ce statut-là, il est lié à la mondialisation. Les migrations ont toujours existé, mais elles sont plus facilitées que jamais par le raccourcissement des distances avec le développement des moyens de communication. Vouloir s’y opposer, c’est un peu naïf, parce que cela encourage les flux clandestins et tout le marché qui entoure les migrations clandestines. Finalement, c’est comme pour la drogue, plus on est sévère plus on en consomme, moins c’est efficace. Il faudrait avoir une politique d’ouverture pour ces flux migratoires, et en même temps ne pas uniquement dire qu’on le fait parce qu’il y a plein de vieux qu’il faut financer, parce que c’est le même discours qu’on tient à l’égard des jeunes en disant : regardez la charge que vos grands-parents vont exercer sur vous, vous n’aurez plus de pension mais vous serez saignés pour pouvoir payer la leur. Je crois que c’est un discours extrêmement dangereux, très conflictuel. Il y a un parallèle total avec le problème migratoire. On ne pourra pas faire que nos sociétés ne soient pas multi-générationnelles et on ne pourra pas faire qu’elles ne soient pas multiculturelles parce qu’on voit bien que quand il y a des pôles de développement économique quelque part dans le monde, les autres régions affluent. Tant qu’il n’y aura pas un traitement plus correct des rapports internationaux et d’équilibre entre les pays, je pense qu’il faudra s’attendre à ce qu’il y ait des flux migratoires extrêmement importants. Et l’émigration n’intervient pas toujours dans les pays les plus arriérés où les structures sont telles que les gens n’ont même pas l’idée de partir. Apparemment la migration est plus intense dans les pays qui sont en mutation vers une certaine forme de modernisation. A ce moment-là des compétences et des besoins apparaissent et il y a des personnes qui conçoivent le projet de les satisfaire à travers la migration. Ce ne sont pas toujours les plus pauvres qui émigrent, mais des gens avec un certain degré d’instruction qui ont des contacts, des réseaux. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’à mesure que les pays du Sud se développent les flux migratoires diminuent. Ils risquent même de s’intensifier pendant une certaine période.