La plupart des demandeurs d’asile sont originaires des pays de l’Est, parmi lesquels nombre de Tsiganes venant notamment de Roumanie et Slovaquie. Ces Roms sont devenus la cible de rapatriements forcés
Extrait du document préparatoire aux Assises de la société civile Pour une autre politique des migrations, rédigé par la Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers, CIRE
Tout le monde ne demande pas nécessairement l’asile. C’est le cas, par exemple, des Latino-américaines qui effectuent souvent des travaux domestiques ou se retrouvent prisonnières de la prostitution et des Algériens qui, bien que fuyant leur pays pour des raisons politiques, n’osent pas demander l’asile de peur d’être renvoyés chez eux. Mais au regard des demandes d’asile, on constate que la plupart sont introduites par des personnes originaires des pays de l’Est et parmi celles-ci, nombre de tsiganes venant notamment de Slovaquie.
Les premières arrivées importantes de Tsiganes slovaques en Belgique ont commencé en 1998 La cause ? On la trouve mentionnée dans le rapport rédigé par une mission de l’Office des étrangers en Slovaquie en février 1999 : « Les Roms et les personnes de couleur sont victimes de sérieuses discriminations. Celles-ci se marquent dans les domaines de l’éducation, du logement et du travail " . Par ailleurs, les Tsiganes sont également victimes de persécutions et d’actes de racisme de la part de la population locale : maisons incendiées, insultes, violences physiques. Enfin, le rapport note également qu’il existe des indications selon lesquelles la police maltraite les Roms qui viendraient se plaindre.
En Roumanie, de nombreux pogroms se sont produits au cours de ces dernières années, sans que les autorités n’interviennent pour punir les coupables. L’accès et le respect de leurs droits sont loin d’être garantis… Pourtant, malgré ces constats et alors même qu’il est prévu que lorsque 95 % des membres d’une communauté sont victimes d’un ensemble de mesures discriminatoires, les membres de cette communauté sont susceptibles de se voir reconnaître le statut de réfugié, pratiquement aucun Rom ne reçoit le statut en Belgique… Au contraire, les Tsiganes slovaques et roumains sont devenus la cible des rapatriements forcés.
Ainsi, en dépit d’une indication en sens contraire de la Cour européenne des droits de l’homme, le gouvernement belge a procédé début octobre 1999 à l’expulsion vers la Slovaquie de 74 Tsiganes déboutés de leur demande d’asile. Or, comme le fait remarquer Philippe Frumer dans une carte blanche paru dans Le Soir de Bruxelles le 4 octobre 1999, « n’est-on pas en droit d’attendre d’un gouvernement qui a fait du respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit une pierre angulaire de son programme, une stricte observation des indications provenant de l’ultime instance européenne de recours en matière de droits de l’homme ? ».
De plus, quelques semaines après que ce rapport ait été remis au Ministre de l’intérieur, le gouvernement a décidé la mise en place d’une procédure d’asile accélérée pour les ressortissants des pays de l’Est.
Au cours des derniers mois de 1999, seules trois demandes d’asile de Tsiganes ont été acceptées. Plus de 1300 autres ont été rejetées au stade de la recevabilité. D’après Martine Vandemeulebroeck, journaliste au Soir, il n’y aurait pas dix dossiers qui aient été examinés sur le fond.
Comment expliquer que l’Office des étrangers ait systématiquement refusé l’asile aux Tsiganes alors même que leur rapport conclut qu’ils ne bénéficient pas de toute la protection voulue de la part des autorités ?
Le Canada a accordé pour une partie de l’année 1999 le statut de réfugié à 700 Tchèques d’origine Tsigane, soit 70 % de ceux qui en avaient fait la demande. La Commission canadienne du statut de réfugié a expliqué que ces personnes « ont démontré qu’elles étaient persécutées en fonction de leur race et qu’elles n’avaient pas bénéficié d’une protection de l’Etat ».
Dans une étude menée pour l’OCDE, A. Reynders estime que, au regard du « degré de marginalisation des Tsiganes, une politique ciblée s’impose à leur égard. Celle-ci devrait être menée selon deux axes : il faut éviter d’uniformiser et d’imposer des voies de développement univoques. Sur le plan macro-social, elle inclurait une série de mesures générales d’ordre économique, culturel, scolaire, social, qui permettraient aux Tsiganes de poursuivre une insertion tout en maintenant comme d’autres groupes, une singularité. Des moyens d’information pour la lutte contre les préjugés et la sensibilisation du plus grand nombre aux situations infra-humaines que vivent certains Tsiganes trouveraient également leur place à ce niveau. Sur le plan micro- social, pourraient être menés des projets de développement locaux, avec des partenaires tsiganes mais sans négliger la dimension inter-ethnique. Sur le terrain, plusieurs ONG travaillent déjà dans ce sens. Diverses mesures pourraient contribuer au développement, notamment en matière de formation et d’aide au financement. Des experts Tsiganes et non Tsiganes seraient formés dans un centre spécialisé à la conception, réalisation et l’évaluation de projets de développement qui intègrent la dimension culturelle et son influence sur la production économique ».
Palo Makys, coordinateur national du programme Enfants des rues estime, quant à lui, que « les solutions à long terme ne peuvent venir que par les deux bouts : l’éducation des enfants Rom et des mesures gouvernementales ».
La Fondation slovaque pour les enfants soutient, avec l’aide financière de la Fondation Roi Baudouin, une série de projets concernant l’éducation des enfants Rom. Mais le défi est immense. Ces enfants n’ont pas droit à un enseignement dans leur langue et doivent donc apprendre le slovaque en même temps que la lecture et l’écriture, les conditions de logement —entre deux et trois familles dans un appartement—, l’indifférence des parents, la ségrégation entre enfants au sein de l’école —les enfants rom sont séparés des autres à certains endroits— sont autant d’obstacles à l’apprentissage scolaire.
En conclusion, la manière dont les demandes d’asile des membres de la communauté tsigane sont traitées reflète clairement la conception qui prévaut actuellement en matière de droit d’asile : il ne s’agit pas de protéger des personnes en danger, mais bien de les dissuader de venir et de limiter, autant que possible, le nombre de reconnaissances octroyées.