Une approche participative auprès des publics fragilisés

Mise en ligne: 11 mars 2015

« Ce qui nous rassemble, c’est l’aspect politique de notre combat ». Récit de l’expérience de Christophe Cornet rendu par Violaine Wathelet [1]

« Le but n’est pas de transmettre un savoir de haut en bas, mais bien de construire une réflexion conjointement, afin d’ouvrir le champ des possibles. Une fois ce champ élargi, la perspective qu’une autre action peut s’envisager, permet de la réaliser plus facilement. Il ne s’agit pas uniquement de donner une voix mais de modifier des comportements par la prise de conscience que nous luttons contre les mêmes ennemis au Nord comme au Sud ».

L’éducation au développement, pour Christophe Cornet, c’est donc un accompagnement de la réflexion et de l’action, qui se veut ascendant et descendant. Comprenons par là, l’apport d’une expertise sur certaines problématiques de développement développées à partir des réflexions issues des groupes. Réflexions qui peuvent ainsi être approfondies et devenir, par la suite, des leviers pour des changements de comportement.

Et en ce sens, pour Christophe Cornet, l’éducation au développement peut et doit se réaliser avec n’importe quel public à condition que ses outils et méthodes soient adaptés à son audience. Pourquoi limiter l’éducation au développement à certains ?

A plusieurs reprises, Christophe a été amené à faire de l’éducation au développement avec des publics précarisés en collaborant avec des associations de lutte contre la pauvreté.

Ainsi, avec l’association Le monde des possibles, centre de formation au français langue étrangère et à l’informatique pour personnes primo-arrivantes, Christophe Cornet a abordé la thématique de l’alimentation liée aux méthodes de production. L’idée était de montrer en quoi l’alimentation était un facteur de développement, un outil pour améliorer sa vie en connectant la réflexion avec des initiatives concrètes, réalisables et accessibles pour l’ancrer dans la réalité. Au cours de deux autres expériences, l’une avec un groupe d’alphabétisation, l’autre avec Creasol (entreprise de formation par le travail), la venue d’un partenaire du Sud a permis de développer des problématiques avec le vécu de celui-ci en connexion avec le vécu des participants.

Le bilan ? Malgré certaines difficultés, ces expériences ont été très positives. Toutefois les difficultés rencontrées ne sont pas forcément liées au type de public avec lequel ces expériences ont été réalisées. Si certains problèmes de communication liés à la méconnaissance du français concernent plus particulièrement ces groupes, ils ne constituent absolument pas les difficultés majeures. Là, où l’attention doit se porter se situe plus dans les principes et modalités-mêmes de l’éducation au développement, quel que soit le public, finalement. Ne pas être démagogue, équilibrer l’ascendant et le descendant, connaître son public, varier les supports, assurer un suivi « actif » de l’animation par l’organisation d’une activité qui viendrait boucler concrètement la théorie.

Une collaboration possible ? Et en ce sens, envisager une collaboration entre partenaires d’ éducation au développement et des partenaires sociaux est tout à fait possible si l’on porte attention à ces différents aspects.

Concrètement, Christophe Cornet souligne l’importance de la préparation de ces animations qui doivent se réaliser en collaboration avec les associations partenaires, dans un premier temps, et avec les participants dans un deuxième temps. Ce travail en amont permet ainsi de connaître le public à qui l’animation sera proposée mais permet également aux participants de prendre connaissance des partenaires. La connaissance des participants devient alors essentielle pour l’adaptation des outils pédagogiques et leur mise en œuvre. Ce travail en amont est alors complété par l’animation en tant que telle, soutenue tant par les acteurs sociaux que par les animateurs d’éducation au développement. Et pour boucler la boucle, l’idéal serait de proposer une action, comme un écho concret aux réflexions abordées pendant l’animation. Ce travail en aval nécessiterait donc une collaboration prolongée entre partenaires de l’éducation au développement et acteurs sociaux. La facilitation de la collaboration entre acteurs sociaux et formateurs d’éducation au développement doit donc passer par des contacts réguliers, par la participation aux activités des uns et des autres, par la constitution de réseaux. Plus de ponts doivent être créés.

Mais la collaboration doit également s’envisager avec les participants dans une optique ascendante. Le but est de construire la réflexion à partir de ce qu’ils amènent comme vécu, émotions, questions… pour ouvrir le débat et élargir leurs horizons à travers l’expertise que le formateur d’éducation au développement peut apporter. Et c’est sans doute ici que la différence avec d’autres types de public est la plus flagrante. L’émotionnel prend une place certainement plus importante car les participants vivent ou ont vécu les problématiques exposées.

D’où l’importance de se rappeler et rappeler que ce qui nous rassemble tous, c’est l’aspect politique de notre combat. « Notre boulot et notre mission sont les mêmes ici et là-bas car nous luttons contre le même ennemi. » L’enjeu, même avec un public plus fragilisé, reste politique : « Il faut lutter contre le défaitisme, que les citoyens reprennent la main car, finalement, nous subissons le même système ». D’où l’importance de présenter des alternatives concrètes, accessibles et réalisables pour ouvrir le champ des possibles et induire le changement dans les comportements des personnes plus vulnérables.

Enfin, et terminons par une note positive : l’optimisme est selon Christophe Cornet l’un des ingrédients les plus fondamentaux à la réussite de l’intégration de l’éducation au développement auprès de publics plus fragilisés. « D’autres actions respectueuses de l’environnement et de l’être humain sont possibles, et c’est cela que l’on veut montrer. Et, l’approche positive et participative est beaucoup plus valorisante en termes d’estime de soi pour les publics ».

Atelier de réflexion Frères des hommes et ITECO : « Faire de l’éducation au développement avec tout le monde ? », décembre 2014.

[1Interview réalisée dans le cadre de l’atelier de réflexion organisé par Frères des hommes et ITECO : « Peut-on faire de l’éducation au développement avec tout le monde ? »