Personne ne peut garantir que le public fera ce qu’un site lui propose de faire. Il existe toutefois plus de possibilités d’atteindre cet objectif si le site est performant, par Andrés Patuelli
Les chemins de l’internet
restent mystérieux. De plus en
plus d’organisations du
monde associatif créent leurs
sites web en vue de renforcer
leurs actions d’éducation ou
afin d’informer le public à
propos des activités qu’elles
mènent. Certaines se sont lancées
à l’aventure parce que
c’était à la mode et d’autres
après une réflexion plus ou
moins approfondie. Le site est
parfois le produit de la cavale
enthousiaste de celui qui est
déjà initié aux mystères de
l’informatique ; dans d’autres
cas, l’organisation engage un
spécialiste ou bien commande
le service à une entreprise extérieure.
Comment les organisations
évaluent-elles ces expériences
? Chez plusieurs d’entre
elles règne un sentiment d’insatisfaction
: l’image de l’organisation
projetée par le site
ne se marie pas avec la réalité,
le site ne répond pas suffisamment
aux attentes de
l’équipe ; pour mettre à jour
les contenus, l’équipe dépend
entièrement de l’informaticien
de l’organisation (celui-ci
étant normalement trop occupé
pour le faire). Il existe
certainement d’autres raisons
encore.
Inutile d’examiner l’efficacité
des sites par rapport aux objectifs
de publicité, d’éducation
ou de coopération au développement,
pour se rendre
compte que les problèmes de
conception et de gestion du
site sont déterminants. Personne
ne peut garantir que le
public fera ce que le site lui
propose de faire (connaître
d’avantage sur les actions de
l’ONG, participer au prochain
débat sur la défédéralisation
de la coopération, aider à résoudre
les problèmes mentionnés
par un autre visiteur
dans le contexte d’un forum
en ligne, ou changer d’avis à
propos des immigrés…). Il
existe toutefois plus de possibilités
d’atteindre ces objectifs
(efficacité externe) si le
site est performant (efficacité
interne).
L’efficacité interne d’un site
internet du monde associatif
et de la coopération au développement
dépend, à notre
avis, de son adéquation à plusieurs
facteurs :
a) au contexte institutionnel :
qu’il soit bien intègre au plan
d’action global de l’organisation
et à la mesure des ressources
et des attentes de
l’équipe ;
b) aux spécificités du média
et à la situation dans laquelle
a lieu l’échange
communicationnel : que le
choix des ressources expressives
du site traduise convenablement
les stratégies et les
objectifs communicationnels
de l’organisation et qu’il
prenne en considération des
aspects tels l’équipement informatique
nécessaire pour
une lecture optimale du site et
le temps requis pour l’affichage
des pages et pour lire
les textes proposés ;
c ) au contexte social : que
l’organisation ait la confiance
du public comme acteur social
et comme source d’information.
Il est indispensable
que le profil et les besoins de
ce public imaginés par l’organisation
et supposés exister
dans le site correspondent le
plus possible à la réalité.
Un pacte social
Le site internet peut être un
instrument de changement
social seulement si le projet
dont il fait partie est pertinent.
Ceci est une condition préalable
au site même : l’organisation
doit être légitimée
comme acteur social et ses
actions doivent répondre à un
accord d’intérêts avec son public.
Un pacte de communication
Un site web est le médiateur
d’un type d’action sociale particulier
: étant le représentant
symbolique de l’organisation
(dans le réseau internet, il se
trouve « à la place » des
membres de l’ONG), il essaie
de provoquer un changement
auprès du public. Ce changement
peut être de type cognitif
(lui faire connaître des
nouvelles données ou un nouveau
point de vue sur la réalité), comportemental (l’inciter
à assister à un concert, à
participer au forum de discussion
en ligne, à changer l’attitude
intellectuelle) ou
axiologique (lui convaincre
des bénéfices de l’annulation
de la dette du tiers monde).
Les visiteurs du site ont néanmoins,
eux aussi, des objectifs
et des stratégies de lecture (à
la recherche une information
précise, ils ne vont pas attendre
pendant une minute l’affichage
d’une page de texte et
ils ne vont pas nécessairement
consulter toutes les rubriques). S’il a lieu, l’échange
communicationnel sera le résultat
d’un accord implicite
entre les deux interlocuteurs à
propos des services offerts,
des thématiques abordées, du
point de vue avec lequel sont
traitées ces thématiques, des
sources d’information consultées. La durée du rapport
communicationnel (la visite
du site) dépend du respect
des termes de cet accord.
Animer la création d’un site
qu’il représente : aux objectifs
et aux stratégies générales de
l’institution, aux ressources
financières, aux attentes de
l’équipe et au temps dont elle
dispose pour consacrer à son
évaluation et son actualisation
une fois qu’il sera en ligne.
Comment prendre en considération
tous ces facteurs lors de
l’élaboration du site ? Un processus
de ce type implique, à
notre avis, plusieurs types
d’activités et de compétences :
a) d’animation et de gestion
du projet : pour coordonner,
au sein de l’équipe, la réflexion,
la négociation et la
prise de décisions sur la manière
dont le site s’intègre au
plan d’action global de l’organisation,
ainsi que pour élaborer
des outils qui facilitent ce
processus. Il est également
nécessaire de connaître le profil
et les besoins du public par
rapport au site web. S’il est
plus difficile de réaliser une
étude spécifique à cette fin,
on devrait au moins formaliser
les besoins du public selon
l’équipe (tous les membres
de l’équipe ne sont pas nécessairement
d’accord sur les
caractéristiques et besoins du
public en matière de communication).
b) de formation et de sensibilisation
: afin que toutes les
personnes impliquées dans le
projet possèdent un langage
commun et comprennent les
possibilités et les limites du
média, et qu’elles puissent
mieux imaginer la façon concrète
dont le site peut contribuer
aux activités menées par
chacun, et dans un deuxième
moment, pour enseigner aux
personnes pertinentes, la manière
de mettre à jour le site ;
c) de techniques de communication
: pour traduire en
termes de stratégies de communication
les objectifs de
l’organisation et produire les
textes et les images qui feront
partie du site ; et en deuxième
temps, pour faire connaître le
site au public, à travers son
inscription auprès des principaux
moteurs de recherche,
l’envoi de courriers électroniques
ou des informations dans
les médias associatifs.
d) d’informatique et de création
de pages web : ces connaissances
sont nécessaires
pour la formation de l’équipe
et la configuration des outils
de création et de maintenance
du site (préparer les supports
nécessaires à son élaboration,
stockage et maintenance),
ainsi que pour sa conception,
son élaboration, sa mise en
ligne et son actualisation.
Un plan de communication
Les critères généraux que
l’organisation va suivre pour
l’élaboration et la maintenance
du site constituent le
« plan de communication ».
Ce document de travail synthétise
les stratégies relatives
aux trois conditions minimales
dont le site a besoin pour
entamer, dans les meilleures
conditions possibles, sa relation
avec le public : être compréhensible,
bien construit
ainsi qu’adapté aux acteurs et
au contexte où l’échange a
lieu.
a) compréhensible : le lexique
employé, la construction
des phrases, la structure générale
des contenus du site facilitent
au public la compréhension
des contenus ;
b) cohérent : la syntaxe, la
mise en page, la navigation
permettent que le site se présente
aux yeux du public
comme étant « bien construit » ;
c) adéquat au contexte :
c1) Par rapport à l’organisation
: comment les informations
et les services proposés
par le site se placent-ils par
rapport aux autres actions de
l’organisation ? Y a t-il des
services qu’on peut offrir en
collaboration avec des partenaires
? A-t-on du temps pour
mettre à jour les rubriques ?
Qui va écrire les textes ?
c2 ) Par rapport au public
visé : Quel est le profil du public
? S’agit-il d’un seul public
ou de différents publics ?
Quel est le public prioritaire ?
Quels contenus va-t-on offrir
à chaque type de public ?
Quels sont leurs besoins ?
Est-il possible de confronter
l’image de ce public aux résultats
d’une étude ad hoc
(focus groupe, enquête) ?
Quel est leur équipement informatique
(nom et version
du navigateur, grandeur et
résolution de l’écran, type de
connexion) ?
Stratégies discursives
Le plan de communication
devrait également définir la
façon dont on va utiliser les
ressources expressives et
communicatives du site, en
vue d’atteindre les objectifs
fixés. Ces stratégies sont de
différents types, notamment :
a) stratégies de positionnement
: de quelle manière se
situe l’organisation vis-à-vis
de la réalité, des faits auxquels
le site fait référence ?
Va-t-on prendre position de
manière explicite ? Quelles
informations va-t-on privilégier
? Quelle image veut-on
donner de l’organisation ? ;
b) stratégies éducatives :
l’éducation est souvent un
objectif sous-jacent à tous les
sites associatifs, mais de
quelle manière va-t-on assumer
de manière plus spécifique
cette fonction ? Par rapport
à la construction de la
connaissance (savoir connaître) : quel type de conduite
intellectuelle prétend-on promouvoir
auprès du public ?
Quelles façons d’apprendre,
de connaître et d’interpréter la
réalité ? Par rapport à la transmission
des connaissances
(connaître et savoir faire) :
quelles informations considère-
t-on précieuses pour le
public ?
c) stratégies expressives :
quelle personnalité va-t-on
donner au site ? Comment va-t-
on rendre attractifs les contenus
? Quels critères esthétiques
va-t-on mettre en place ?
Quelles sont les stratégies les
plus adéquates pour attirer
l’attention des visiteurs du
site ? Quelles formes expressives
va-t-on employer
comme des ressources didactiques
(pour faciliter la compréhension
et la mémorisation
des contenus) ? De quelle
manière va-t-on employer, à
cette fin, les ressources expressives
propres du média
(couleurs, mise en page, navigation,
type de caractère) ?