Comment des expériences éducatives originales sont devenues des éléphants blancs de la coopération au développement, par Alain Brezault
Quelques années avant l’expansion de la micro-informatique et d’internet, le Programme d’éducation télévisuelle de Côte d’Ivoire, financé principalement par la Banque mondiale, l’Unesco, la coopération canadienne et la coopération française, a constitué, vers la fin des années septante, la plus importante expérience de télévision éducative jamais réalisée dans le monde [1].
L’expérience vécue personnellement à Bouaké durant plusieurs années, en tant que formateur au Centre de spécialisation en technologies de l’éducation du Complexe d’éducation télévisuelle, m’a intimement convaincu que la communication médiatisée n’était pas uniquement une simple extrapolation de la communication dite directe, telle celle qu’un enseignant donne aux élèves de sa classe, ou qu’un formateur prodigue à ses stagiaires réunis dans un même lieu. En effet, lorsque l’on se trouve dans une situation de communication faisant appel à un certain nombre de technologies plus ou moins sophistiquées pour transmettre un message à distance, il faut tenir compte de tous les paramètres qui sont en présence et interviennent à différents niveaux dans la chaîne de communication mise en place. Si l’on désire communiquer, par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs média, une expérience, un savoir- faire, un enseignement précis, quel que soit le type de message à transmettre, il est indispensable d’identifier et d’analyser tous les paramètres mis en jeu pour que la communication puisse fonctionner avec un minimum de distorsion et un maximum d’efficacité.
Si une telle constatation peut paraître évidente aux yeux de professionnels des médias, pour la plupart des pédagogues, spécialistes de la matière enseignée et des contenus à transmettre, la formalisation d’un message pédagogique audio-visuel est longtemps restée une affaire que les responsables de l’image et du son, c’est à dire les réalisateurs et les graphistes, doivent prendre en charge.
Dans le cadre du CETV de Bouaké, durant les deux premières années de son existence, ce partage arbitraire des responsabilités pour traiter du contenu d’un message et de la forme qu’il devait prendre avant d’être communiqué aux récepteurs situés à l’autre bout de la chaîne, a posé de nombreux problèmes. Le Centre de spécialisation en technologies de l’éducation, CSTE, fut créé afin de permettre, entre autres, d’élaborer un dialogue constructif entre les pédagogues et les équipes techniques chargées de la réalisation des émissions. Les formateurs du CSTE mirent en place un tronc commun de formation la première année où étaient enseignées les principales règles de la communication médiatisée afin qu’à tous les niveaux de la chaîne, de la conception à la diffusion des messages, chacun puisse dialoguer en connaissance de cause. La seconde année offrait aux stagiaires la possibilité de s’orienter vers différentes filières spécialisées en fonction des profils de postes à pourvoir, certains bénéficiant par la suite de stages de perfectionnement à l’étranger. La création d’un profil qui n’existait pas encore dans la chaîne de production, le concepteur multi-média, permit de réduire les tensions, voire les antagonismes, qui se manifestaient régulièrement entre les pédagogues-producteurs et les réalisateurs.
Le rôle du concepteur multimédia, pédagogue de formation initiale, était, en amont, de dialoguer avec le spécialiste des contenus pour s’entendre avec lui sur la place que devait prendre l’émission dans la séance de classe ; quels étaient ses objectifs spécifiques ; quel était l’objectif global de la séance d’apprentissage avec une répartition prévisionnelle des temps d’activités ; quel était le rôle du maître dans sa classe, celui attribué aux documents d’accompagnement, aux documents élèves et aux exercices pratiques éventuels sensés évaluer l’ensemble de la leçon. Sur base des résultats de ce questionnement, le concepteur multimédia proposait une formalisation de l’émission dont la durée ne devait jamais excéder dix minutes, puis il rédigeait un scénario en concertation avec le producteur. Ce scénario devait décrire précisément tout ce qui devait être vu et entendu dans l’émission afin que le réalisateur puisse procéder à un découpage technique plan par plan. Dans une seconde phase, le concepteur multimédia rencontrait le réalisateur qui le questionnait plus précisément sur les options du scénario en lui proposant d’éventuelles modifications en fonction des moyens qu’il allait devoir mettre en œuvre afin de se planifier pour réserver un studio, des techniciens, ou une équipe pour un tournage en extérieur, une séance de banc-titre… Deux fois par mois, un visionnement collectif des émissions réalisées durant la quinzaine était organisé ; chaque émission étant analysée en fonction d’une grille d’analyse permettant de l’évaluer avant la diffusion qui avait lieu un mois plus tard, ce qui laissait éventuellement le temps de l’améliorer en resserrant, par exemple, le montage si cela s’avérait nécessaire.
Parallèlement à la formation du personnel, l’équipe du CSTE était souvent amenée à répondre à des demandes extérieures émanant du Ministère de la Santé, telles que, par exemple, l’organisation de campagnes d’information multi-média pour la prévention ou le traitement de certaines maladies endémiques (onchocercose, malaria, ver de Guinée…), en liaison avec le corps médical. Ces campagnes permettaient de tester la pertinence des options de communication enseignée au CSTE. En effet, les médecins du terrain, spécialistes des maladies en cause, nous contactaient souvent après avoir connu un échec retentissant dans l’élaboration de leurs messages à destination des populations concernées. Celles-ci étaient en majorité analphabètes et ne comprenaient pas, ou mal, les informations médicales par voies d’affiches qui étaient placardées dans les villages ou sur les murs des dispensaires : pas de notions de perspective (donc, un personnage qui apparaît au second plan dans le lointain, n’a aucune importance par rapport à celui qui est dessiné ou photographié au premier plan). Une larve ou un moustique grossis exagérément pour apparaître en insert dans une affiche deviennent des animaux extra-terrestres qui n’existent certainement pas dans la région, et donc ils ne concernent pas les paysans qui doivent s’en protéger. Les images en syntagmes, comme dans une bande dessinée, prennent une signification aléatoire par rapport au message que l’on souhaite transmettre… Un petit détail sans importance apparente peut au contraire focaliser toute l’attention et détourner le sens du message (voir plus loin, l’analyse d’une BD).
Chaque élément constituant le message doit donc être soigneusement analysé et pesé en fonction du public à qui il s’adresse. Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation ou d’information utilisant plusieurs moyens de communication, chaque médium que l’on souhaite utiliser doit faire l’objet d’un questionnement préalable et la formalisation des messages devra être adaptée à la spécificité des outils, tout en tenant compte des possibilités de décodage du milieu récepteur.
Pour communiquer à distance avec un grand nombre de récepteurs, la médiatisation de la communication s’effectue en ayant recours à un ou plusieurs outils de transmission, à des codes et à un canal spécifiques, ceci afin de :
L’imprimerie, l’ordinateur mis en réseau, le téléphone, la radio, le cinéma ou la télévision sont des moyens technologiques qui servent à stocker et à transmettre des messages dont la médiatisation permet de toucher un nombre considérable de récepteurs. Les procédés mis en œuvre peuvent s’avérer relativement coûteux mais ils offrent en contre-partie la possibilité de rentabiliser quantitativement la communication.
Il est généralement admis qu’une personne retient en moyenne 10 % des informations qu’elle lit, 20 % de ce qu’elle entend et 75 % de ce qu’elle peut voir et entendre en même temps. Lorsque, par exemple, une transmission audio-visuelle, remplissant les conditions requises, est exploitée par des travaux pratiques ou fait l’objet de débats, la mémorisation peut aller jusqu’à 90 %. Ce sont justement les conditions requises, c’est-à-dire l’intégration des différents paramètres nécessaires pour obtenir une bonne réception du message, qui posent, en terme de communication médiatisée, des problèmes tout au long de la chaîne depuis le spécialiste des contenus jusqu’aux récepteurs, en passant par les responsables de la formalisation du message et les différents techniciens impliqués dans l’ensemble du processus.
Le schéma de Lasswell, « Qui, dit quoi, à qui, comment, par quel canal, dans quel but et avec quels effets attendus ? », est une formule qui permet, par une série de questions simples, de prendre en compte ces différents paramètres et d’en organiser la hiérarchisation pour élaborer le message que l’on souhaite transmettre à un public-cible via une chaîne de communication faisant appel à différentes technologies : « Qui ? » correspond à l’émetteur qui est à la source de la communication.
« Quoi ? » est le message à transmettre.
« A qui ? » correspond au récepteur, c’est à dire l’auditeur, le public consommateur du message.
« Comment ? » fait référence au code qui doit être utilisé, au choix et à l’organisation du langage qui va structurer le message.
« Par quel canal ? » nous interroge sur la nature du support (matériel, technique ou technologique) qui permettra la transmission du message codé de l’émetteur au récepteur.
« Dans quel but ? » correspond aux objectifs spécifiques du message. Dans le cadre, par exemple, d’une séance de formation : quel est le rôle attribué au message que l’on souhaite transmettre aux récepteurs à un moment précis d’une séquence d’enseignement, sachant que ce rôle ne doit pas être confondu avec les objectifs pédagogiques de la séance toute entière.
« Avec quels effets attendus ? » pose la question de l’impact du message sur le public récepteur, en quoi l’effet de la communication induit-il un changement observable et mesurable au niveau du récepteur ? Pour pouvoir analyser correctement l’impact d’une communication sur le récepteur, il faut avoir préalablement défini son profil afin d’évaluer ensuite de quelle manière ce profil a été modifié par la réception du message et son exploitation éventuelle.
Le message initial, ou les documents d’exploitation qui l’accompagnent, peuvent alors être améliorés, réajustés en fonction des résultats de l’évaluation, c’est le feed-back.
Le rapport signal-bruit et le schéma de Shannon et Weaver
Deux ingénieurs américains ont essayé, au plan technique, de montrer comment un message encodé pour être transformé en signal émis à travers une chaîne de communication ( le canal ) pouvait subir des distorsions jusqu’à la phase de décodage où le signal reçu est retransformé en message. Ces distorsions indésirables qui peuvent géner plus ou moins fortement la perception du message transmis sont assimilées à du bruit.
Dans le cas d’une communication audio-visuelle, il s’agit donc, au plan de la réalisation du message, de parvenir à donner aux images un maximum de pertinence par rapport aux objectifs que l’on s’est fixé (choix des cadrages, mouvements de caméra, montage des plans…) afin d’éliminer les « bruits » indésirables, le commentaire, pour sa part, devant être conçu et énoncé le plus clairement possible en contre-point des images.
Le bruit peut donc être présent :
Pour avoir le meilleur rapport signal-bruit possible, il s’agit donc de parvenir a obtenir un maximum de signal pour un minimum de bruit si l’on souhaite que la communication se révèle efficace… Tout en sachant que l’on ne parviendra jamais à éliminer totalement le bruit, même si les objectifs d’une communication multimédia sont parfaitement définis en tenant compte de la spécificité de chacun des moyens techniques utilisés dans le cadre d’une stratégie multi-média bien orchestrée.
La bande dessinée est avant tout un récit dont les temps forts sont représentés graphiquement dans un ordre chronologique selon un procédé de narration elliptique. A travers la succession plus ou moins conventionnelle de ses vignettes, la BD combine divers éléments traduisant le temps et l’espace en de multiples jeux faisant appel à plusieurs niveaux de lecture. Elle s’affirme comme étant la liaison entre l’image fixe et l’image animée.
Bien que la BD ne fasse pas partie des données culturelles africaines traditionnelles, ce moyen d’expression avait été introduit, dans le Programme d’éducation télévisuelle de Côte d’Ivoire, pour renforcer l’impact de certaines émissions de motivation à l’expression.
Tout en étant susceptible de véhiculer de façon distrayante un grand nombre de notions éducatives, la BD permet une initiation méthodique et progressive aux codes de représentation de l’image et aux différents signaux qui orientent le déroulement d’un récit selon le niveau de perception du lecteur à qui s’adresse le message. L’élève, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a également le loisir de revenir sur ce qu’il n’a pas compris à la première lecture. Son propre rythme de décodage n’est pas entièrement conditionné, comme dans la diffusion d’une émission de TV éducative, par l’aspect irréversible des images qui défilent devant ses yeux sans qu’il ait jamais la possibilité de faire revenir le film en arrière lorsque le message a perdu pour lui toute signification. La BD peut d’autre part stimuler les facultés d’imagination de l’enfant en obligeant celui-ci à reconstituer mentalement ce qui n’est pas visualisé entre deux vignettes : l’ellipse, transition d’un plan à un autre, que certains spécialistes nomment pompeusement « le vide iconographique ».
Différentes expériences ont été menées dans plusieurs pays moins avancés pour utiliser la BD à des fins éducatives. Toutes ont débuté par des opérations préliminaires ayant pour fonction de familiariser les populations visées à la lecture de l’image tout en recueillant le plus d’informations possibles sur les problèmes particuliers de leur perception face aux différents types de signaux qu’utilise généralement la bande dessinée.
On s’est aperçu rapidement qu’en fonction des facteurs d’émergence propres à chaque milieu récepteur testé, certains codes de représentation de l’image perdaient toute signification. Nous en étudierons quelques exemples en analysant les résultats de l’expérience qui fut tentée en ce domaine par les Supports écrits du CETV de Bouaké.
Il faut souligner que dans le cadre de la « motivation à l’expression » la BD avait déjà été introduite en école primaire. Il s’agissait pour les élèves de raconter dans leur cahier du jour une histoire à partir des images qui leur étaient proposées sur le cahier de contrôle. Cependant, aucune recherche systématique concernant le décodage des images par les enfants n’avait été entreprise.
A partir d’une courte histoire relatée initialement en trois vignettes pour motiver à l’expression les élèves du primaire, un illustrateur de l’atelier graphiste réalisa une planche de BD d’une approche tout à fait nouvelle pour les enfants de brousse peu habitués à décoder une BD traitée dans un style inspiré des BD à la mode en Occident :
Afin d’améliorer la compréhension globale de la planche ainsi conçue, des flèches furent disposées entre chaque vignette pour faciliter l’ordre de lecture. L’histoire, décomposée en huit vignettes de différents formats, relatait les déboires d’un riche Africain se rendant au restaurant. Un jeune serveur zélé, se prenant malencontreusement les pieds dans un chat endormi, renversait sur le client le contenu des plats que ce dernier venait de commander. Furieux, le client quittait aussitôt le restaurant.
Cette BD fut testée sur huit classes de primaire de six écoles différentes de Bouaké et de sa périphérie dans un rayon de vingt kilomètres.
Les instituteurs de chacune des classes distribuèrent la BD aux enfants qui devaient raconter en quelques lignes l’histoire telle qu’ils la percevaient. Un emplacement avait été réservé à cet effet sous chacune des planches. Plus de trois cents réponses furent recueillies. L’intégralité de l’expérience et ses implications furent consignées dans un rapport qui analysait en détail les données lexycométriques et morphosémiologiques révélées par le test. Avant de présenter globalement l’analyse des réponses recueillies, il est nécessaire de faire tout d’abord un inventaire rapide des signaux utilisés dans la planche qui fut soumise aux enfants.
Signaux agissant par :
a) association ou analogie : ce sont les signaux liés au graphisme, ils sont conditionnés par le système culturel qui les émet et sont immédiatement perçus à l’intérieur d’une même sphère culturelle. Cependant, si le récepteur ne fait pas partie de cette sphère, il a toutes les chances de ne pas ou de mal déchiffrer ce signal. Ex : un chat qui dormait était représenté dans la vignette n° 6 (certains enfants y ont vu un chien, d’autres un rat, un agouti).
b) suggestion : ces signaux sont liés aux modifications du cadrage qui introduisent un changement de rythme dans la composition globale de la planche. Ils jouent donc un rôle dynamique dans le déroulement du récit. Ex : les variations de cadrage de plusieurs vignettes étaient censées accélérer le rythme pour traduire la précipitation du jeune homme à servir son client. Chez les enfants, ces variations de cadrage n’atteignirent pas le but désiré par le dessinateur et les transitions d’un plan à un autre ne furent pas toujours suivies malgré les flèches.
c) référence : L’univers de la BD est régi par un code qu’elle a inventé au fur et à mesure de ses besoins d’expression spécifique. Tout lecteur doit être initié au déchiffrage de ce code auquel la BD fait constamment référence car ce sont des signaux arbitraires. Ex : traits signifiant le déplacement des personnages ou des objets ; phylactères ne traduisant pas obligatoirement la parole ou des sons ; représentation graphique des sons, etc.
d) métaphore : Ce sont des signaux complémentaires des précédents. Ex : de petits nuages qui avaient été dessinés autour de la tête du client étaient censés exprimer sa fulmination. Les enfants ne comprirent pas cette métaphore et assimilèrent les nuages à la fumée du cigare que le client fumait dans les vignettes précédentes.
C’est donc le dosage de ces différents signaux qui donne son originalité à une bande dessinée. Mais le message qu’elle véhicule ne sera efficacement décodé que dans la mesure où l’on aura su tenir compte des principaux facteurs d’émergence intra-culturels inhérents au milieu récepteur à qui elle est destinée.
Lorsque les planches annotées par les élèves furent retournées aux supports-écrits, il fallut procéder à l’analyse méthodologique de ces annotations afin d’en tirer des conclusions propres à mieux adapter par la suite le découpage du scénario et le graphisme au milieu culturel des enfants. Il s’agissait donc de répertorier les éléments que ceux-ci n’avaient pu décoder afin de leur trouver par la suite des équivalences ayant pour eux une signification. Par contre, tout ce qui avait été perçu de façon pertinente serait à la base de l’élaboration d’une nouvelle bande dessinée qui servirait de second test.
Les responsables entreprirent donc la rédaction d’un scénario de base le plus complet possible, à partir de chaque vignette composant la BD soumise aux enfants. Par rapport aux critères définis dans ce scénario de base, une échelle culturelle de « divergence- convergence » (graduée de moins dix à plus dix en passant par zéro) fut conçue afin de tester l’efficacité des enfants à décoder chaque vignette et la planche globalement. Tous les signaux non décodés ou mal interprétés par la moyenne des élèves devaient être remis en cause et réadaptés en fonction des facteurs d’émergence intraculturels qui se révèleraient au sein du milieu récepteur.
Les résultats de l’analyse prouvèrent que :
1. La représentation visuelle des bruits de la berline stoppant devant le restaurant n’était pas perçue de façon toujours pertinente. Il aurait peut-être d’autre part mieux valu que cette voiture fût un taxi-brousse.
2. Les enfants de brousse n’ont qu’une vague notion de ce qu’est un restaurant tel que représenté sur la première vignette, malgré son enseigne.
3. Peu d’enfants firent la liaison entre les deux premières vignettes.
Le personnage qui pénétrait dans le restaurant n’était pas forcément celui qui se trouvait dans la voiture. Problème de l’ellipse dans le passage du plan 1 et au plan 2. D’autre part, ce personnage, vêtu d’un costume-cravate, n’était pas un représentant idéal du milieu traditionnel.
4. La nappe sur la table du restaurant et la carte du menu n’avaient qu’une signification toute relative chez les enfants de la ville. Aucune signification chez les enfants de brousse qui ne comprenaient pas non plus très bien le rôle du jeune serveur (pour certains, c’était le fils ou le neveu de l’homme au cigare) qui était perçu comme étant en train de lire son journal, confondu avec la carte du menu.
5. Un gros plan en insert du jeune homme se rendant à la cuisine n’était pas compris.
6.Tous les enfants se sont posés la question de savoir ce qu’il y avait dans les plats portés par le jeune homme. Le chat qui dormait sur le passage ne correspondait pas à un chat en train de dormir pour la majorité des enfants. Ils nommèrent toutes sortes d’animaux. La bulle signifiant le sommeil n’avait aucune signification.
7. Ce n’était pas le serveur qui buttait contre le chat endormi et le réveillait brutalement mais un animal qui s’appelait « Miaou » et l’empêchait de passer en se levant soudain.
8. Le client n’était pas en colère. Il partait fumant son cigare. Il se nommait Michel Poirier. Beaucoup d’enfants pensèrent que la signature de l’illustrateur, en très petits caractères, était en fait le nom du client.
9. En outre, l’aspect caricatural du graphisme posa quelques problèmes aux enfants qui ne comprirent pas pourquoi les deux personnages avaient des grosses lèvres.
Dans sa version améliorée, la bande dessinée fut simplifiée en conséquence :
Dans la nouvelle planche diffusée par les supports-écrits l’année suivante, les « bruits » qui avaient perturbé la compréhension de la première BD furent éliminés. Les tests qui eurent lieu ensuite dans les mêmes conditions auprès d’autres élèves permirent de constater que l’histoire était désormais comprise par une très forte majorité d’enfants.
[1] A partir du Complexe d’éducation télévisuelle de Bouaké, la deuxième ville de Côte d’Ivoire, de 1972 à 1980 plus 7 000 émissions pédagogiques furent réalisées par la Sous-direction (S-d) de la production et diffusées dans les écoles primaires équipées d’antennes et de postes tv alimentés en brousse par des batteries solaires ; la S-d de l’extra-scolaire produisait et diffusait pour sa part des campagnes d’information destinées aux adultes qui se réunissaient deux soirs par semaine dans les écoles télévisuelles, les instituteurs jouant le rôle d’animateurs pour gérer les débats après les visionnements ; la S-d des supports-écrits était équipée par la coopération canadienne d’une des rotatives les plus importantes d’Afrique de l’Ouest, capable d’imprimer en une heure 15 000 livrets-élèves de 32 pages sur deux couleurs ; un service de routage acheminait deux fois par an sur l’ensemble du territoire les livrets élèves et les documents destinés aux maîtres ; en outre, une S-d de la formation initiale et continue préparait les instituteurs et les inspecteurs à cette nouvelle forme d’enseignement. Un Centre de spécialisation en technologies de l’éducation, CSTE, avait été créé au sein du Complexe d’éducation télévisuelle, CETV, de Bouaké afin de former des concepteurs multi-média, des réalisateurs, des graphistes, des techniciens et des animateurs audio-visuels, en collaboration avec l’INSAS de Bruxelles, l’INA de Bry-Marne près de Paris et l’Université de Trois-Rivières au Québec qui offraient aux stagiaires, recrutés parmi les instituteurs ivoiriens, des formations complémentaires dans leurs spécialisations respectives à l’issue d’un premier cycle de deux ans donné sur place.