A propos

Mise en ligne: 7 septembre 2015

Si les candidats actuels au départ comme coopérants ONG se définissent par rapport à la filière humanitaire et à l’interculturel, il reste que le Sud est vu comme un lieu pour se réaliser, par Isabelle Pluvinage

Gregor Stangherlin est assistant à l’Université de Liège dans le service du professeur Marc Poncelet, dont le champ de recherche couvre l’étude des changements sociaux et de la coopération Nord-Sud. Il étudie l’évolution des formes de rapport entre le Nord et le Sud, tant dans les ONG que chez des personnes : employés du secteur, bénévoles, donateurs…

Peut-on dire que l’envoi de coopérants est resté en retrait des évolutions du secteur ? C’est seulement vrai en partie et cela peut aussi s’expliquer. Une part croissante et différenciée des envois de personnes ( personnel de Médecins sans frontières, missions courtes ) s’est petit à petit faite en dehors du statut de coopérant ONG. Le cadre relativement rigide de l’envoi de coopérants ONG satisfaisait les utilisateurs qui disposaient par ailleurs d’un autre cadre légal ( celui du cofinancement ) où les nouveaux besoins ont pu progressivement être rencontrés. Par ailleurs, il faut bien constater que le Nord n’a pas de plus-value professionnelle à offrir au Sud en matière d’animation sociale. On peut aussi observer une évolution des motivations du public intéressé par l’envoi : de politiques et de réalisation professionnelle dans les années quatre-vingt, les candidats actuels au départ se définissent par rapport à la filière humanitaire et à l’interculturel. Il reste que le Sud est vu comme un lieu pour se réaliser.

Reconnaissez-vous les évolutions relevées dans le profil des personnes (durée, sexe, statut avant le départ) ? La durée des agréments ou périodes subsidiées n’est pas liée de façon univoque à la durée des missions, ni à la durée totale de l’expatriation. Il y a une tendance générale à l’augmentation de la durée des missions ( stabilisation des missions moyennes de trois à quatre ans ? ), des facteurs comme l’introduction des missions courtes finançables via l’envoi pourraient changer les données moyennes. L’allongement des missions s’explique aussi par l’augmentation sensible de l’âge moyen, des personnes professionnellement plus stables et plus exigeantes et la disparition de facteurs comme le service militaire qui attirait les jeunes hommes. Le nombre de femmes augmenterait selon la perception des membres. D’autre part la présence ancienne des femmes dans le volontariat s’expliquait aussi par la possibilité plus aisée ainsi offerte d’un engagement missionnaire chrétien. Ce profil tend, lui, à disparaître, mais l’intérêt des femmes pour la coopération est toujours plus important, eu égard l’inscription au cycle d’orientation. La présence des femmes est fortement influencée par le secteur d’intervention et les conditions de stabilité régnant dans le pays d’accueil.

Les ONG peuvent-elles qualifier et quantifier l’impact de leurs coopérants en éducation au développement et en Belgique ? En majorité l’exercice s’avérerait périlleux et plus qualitatif que quantitatif : il met en évidence que si un impact indéniable existe et pourrait se mesurer (Volens croit toucher dix mille personnes, Médecins sans frontières pense toucher beaucoup de monde), il est encore rarement le fait d’une politique de l’ONG, sauf dans le cas de coopérants appelés à témoigner dans des groupes d’adultes ou les écoles. Il faut relever que la dynamique est très différente au Nord et au Sud du pays. Il y a aussi des différences qui restent à étudier : les couples mariés rentrent, les coopérants ONG qui vivent en Amérique latine ne rentrent en général pas ou le font beaucoup moins.

L’engagement des jeunes doit-il se développer à part ? L’engagement de jeunes reste et restera limité, semble-t-il. Il faut se référer à la mission des ONG (un monde plus équitable) et voir la place des jeunes dans ce processus. Les intégrer dans l’éducation au développement n’est-il pas plus porteur ? Les autres formes d’envoi devraient répondre plus spécifiquement à ce besoin des jeunes de s’investir dans la coopération. Il y a une demande pour que la Fédération des ONG investigue des pistes alternatives (notamment au CGRI). Cela dit, ce qui intéresse les ONG, c’est la compétence ; si un candidat jeune en dispose, pas de problème. Attention aussi à ne pas confondre « jeune » et « première mission ». Certains membres apprécient la flexibilité des jeunes.

Propos recueillis par Isabelle Pluvinage pour Acodev News