A propos - Lumumba, Mobutu, Kabila…

Mise en ligne: 7 septembre 2015

Kabila, chef rebelle devenu, par la grâce de puissances étrangères, chef de l’Etat, assassiné par l’un de ses gardes du corps et porté en terre entre des haies de soldats venus de pays voisins, repose désormais dans un mausolée construit à l’emplacement où, du temps colonial, se dressait la statue de Léopold II, roi des Belges et roi du Congo, sa propriété privée qu’il gouverna d’une main de fer. Le symbole est d’autant plus fort que, des deux autres grandes figures depuis l’indépendance, Patrice Lumumba et Mobutu, ni l’une ni l’autre n’eut droit à la pompe funèbre déployée pour Kabila.

« Héros de l’indépendance », Patrice Lumumba, enlevé et mis à mort au terme d’affreuses souffrances, a été enseveli à 220 km de Lubumbashi, au Katanga, avant d’être déterré, quatre jours plus tard, le 21 janvier 1961. Deux policiers belges, Frans Verscheure et Gérard Soete, aidés de trois Congolais, plongèrent alors les morceaux de son corps, découpé à la scie à métaux, dans un fût d’acide sulfurique. Ses os et ses dents furent éparpillés dans la nature.

Mort le 7 septembre 1997 au Maroc, victime d’un cancer généralisé, Mobutu repose sous une dalle de béton en terre d’exil. Il fut enterré à Ba Maâdi, le « cimetière des Nazaréens », à la sortie de Rabat. Dans le dos d’un obélisque érigé par la « France reconnaissante à ses glorieux défenseurs », une petite chapelle en ciment, guère plus qu’une guérite, abrite les restes de l’exmaréchal, président à vie, chef d’Etat pendant trentedeux ans, homme courtisé par tous les grands de ce monde. Le roi des Belges avait parrainé l’une de ses filles, les Etats-Unis l’avaient décoré « héros du monde libre », la France vit en lui, encore en mars 1996, « le seul à pouvoir garantir l’unité du Zaïre ». Aucune inscription n’identifie sa tombe, pas une lettre de ce nom à rallonge —Mobutu Sese Seko— qui avait fait le tour du monde.

Stephen Smith, correspondant du journal Le Monde en Afrique