Jumelage ? Voix communale pour dire partenariat

Mise en ligne: 2 novembre 2015

Il est avant tout culturel et peut déboucher sur un véritable parrainage d’une
ville en difficultés. Petite revue des nombreux jumelages de Schaerbeek, par Samy Hosni

Souvent, le jumelage peut paraître superficiel  : tel accord culturel avec une ville française se résume par la visite du bourgmestre et l’échange de cadeaux avec son jumeau : une caisse de beaujolais nouveau contre une tarte à l’djote, spécialité du terroir… Pourtant, certaines communes essaient de dépasser cette caricature pour étoffer leur relation avec d’autres villes. L’échange interculturel et l’aide de la commune de Schaerbeek va dans cette direction. Néanmoins, l’évocation de la première commune « historique » jumelée avec Schaerbeek prête à rire : c’est Houffalize, dans les Ardennes belges. En y regardant de plus près on comprend le choix des élus schaerbeekois. Au sortir de la guerre 40-45, la charmante petite cité bordée par l’Ourthe fut réduite en cendres par l’offensive Von Rundstedt. Houffalize fut la ville la plus touchée lors de la bataille des Ardennes… La population de Schaerbeek, dans un élan de générosité, se mobilisa toute entière pour faire parvenir à la ville ardennaise ce dont elle avait besoin afin de pouvoir reprendre le plus vite possible une vie normale. D’après Jean-Paul Lozet, fonctionnaire communal et spécialiste de l’histoire de la commune, « un comité composé du collège échevinal et de plusieurs conseilleurs communaux organisèrent des galas et des soirées artistiques pour récolter les fonds nécessaires à la cité sinistrée. Dans les écoles, les enfants se mirent à coudre des couvertures destinées à combattre l’hiver rigoureux des Ardennes. Durant le printemps 1945, de fréquentes colonnes de véhicules conduites par le bourgmestre Dejase ou le sénateur Blum, acheminèrent dons en espèces, objets récoltés et autres secours afin de les remettre aux autorités houffaloises.

Du parrainage au jumelage absurde il n’y a qu’un pas Ce jumelage intelligent qu’il faudrait appeler parrainage resserra les relations entre les deux communes. Depuis cinquante ans, des rapports amicaux se sont créés entre les deux localités : rencontres, visites, cérémonies, échanges de souvenirs… On découvre à Houffalize une rue de Schaerbeek et une statue de Pogge, ce brave fermier connu pour sa bonté et son sens de la justice. On est loin du parrainage des débuts et l’on retrouve ici le jumelage culturel traditionnel : don d’un sapin de Noël chaque année à Schaerbeek, d’un véritable sanglier contre cadeaux divers du terroir bruxellois. Pourtant une question s’impose : ne serait-il pas plus judicieux d’abandonner ce jumelage- cadeaux pour une forme de parrainage plus utile à destination de villes du tiers monde ? Il est étonnant que la ville d’Emirdag d’où provient la plupart de la population turque de Schaerbeek, n’a pas les mêmes contacts qu’Houffalize. Si le maire de cette ville vient parfois en visite à Schaerbeek, ce sont des contacts hors de toute forme privilégiée de parrainage ou de jumelage. Par contre Prairie Village au Etats- Unis est bien jumelé avec Schaerbeek car c’est là dont est originaire le citoyen d’honneur de Schaerbeek Dwight Eisenhower !

Plus intéressant sûrement sur le plan culturel, la commune est également jumelée avec la ville chinoise d’Annang. L’hésitation des fonctionnaires communaux sur l’orthographe du nom est révélatrice du peu d’intérêt accordé à ce jumelage : « L’accord remonte à il y a sept ans, lors d’un voyage en Chine d’un échevin, fustige Xavier Winkel, l’échevin de la culture de Schaerbeek. C’est d’ailleurs comme ça que cela se passe : tel élu rencontre lors d’une visite aux Etats-Unis la fille d’Eisenhower et il n’en faut pas plus pour créer des contacts privilégiés avec la commune. Le plus riche partenariat ne peut être que la coopération humanitaire autour d’un projet mené de concert avec une ONG ».

Confusion des termes
Citons le parrainage de villages roumains en 1990, l’aide aux sinistrés lors des inondations de Dinant en 1995, aux victimes du tremblement de terre en Turquie ou plus récemment l’action humanitaire au Kosovo : « Nous travaillons toujours avec des ONG. Ecoliers du monde fut notre dernier expert pour le Kosovo : nous avons récolté du matériel scolaire destiné aux enfants des camps de réfugiés. Grâce à la solidarité des habitants de la commune, un premier camion de 38 tonnes est parti au Kosovo ». Citons également une vente aux enchères d’œuvres d’artistes de la commune dont les bénéfices étaient destinés aux réfugiés kosovars. Chose curieuse, on reparle de jumelage avec un quartier de Pristina : Dardania : « C’est bien un parrainage effectué avec l’association Causes communes qui, lors d’une émission radio, a permis d’établir une collaboration avec Sedat Ramadani, ancien directeur d’une école primaire à Dardania. Grâce à cette collaboration, Schaerbeek pourra aider les habitants de Dardania à reconstruire leur ville, dans une action à long terme », explique l’élu schaerbeekois. On le voit, le terme de jumelage est peut-être mal choisi dans ce cas-ci. Pour Xavier Winkel, « le jumelage est dépassé aujourd’hui, voire absurde ou tendancieux quand il permet à des élus de voyager gratuitement sur le compte de la commune ». D’autres voies plus judicieuses peuvent pourtant s’ouvrir en matière de partenariat intercommunal.