Approximations pour une utopie possible

Mise en ligne: 1er mars 2023

L’espoir de Paulo Freire appliqué à l’agroécologie, par Mariana Petri et Alexandre Brasil Fonseca.

L’agroécologie s’entend tant comme un mouvement pour une agriculture durable que comme une science et une pratique. Nous nous intéressons principalement à son caractère transdisciplinaire, participatif et orienté vers l’action et c’est dans ce sens que nous considérons que les contributions de Paulo Freire au savoir-faire de l’agroécologie sont significatives.

Les premières recherches en lien avec l’agroécologie ont vu le jour au début du vingtième siècle et cherchaient à appliquer des méthodes écologiques à l’agriculture. Par la suite elles intègrent aussi des travaux concernant l’interaction plante-insecte, le traitement des plaies, les problèmes de sol. L’agroécologie surgit et se renforça par l’action de divers mouvements en Amérique Latine dès la décennie des années septante —et non à partir de la science— en lien avec les pratiques agricoles traditionnelles. Ces mouvements critiquaient les effets de la modernisation sur l’agriculture et cherchaient des solutions alternatives de façon à renforcer l’agriculture familiale, la souveraineté et la sécurité alimentaires ainsi que l’autonomie des familles paysannes. La revitalisation de l’agriculture familiale paysanne est la clé pour garantir la durabilité socio-environnementale de l’activité agricole.

Au départ de propositions visant un système alimentaire et une société basée sur des relations plus justes, dignes et égalitaires, ainsi que d’une vision durable de la nature contre les monocultures, les pesticides, les organismes génétiquement modifiés et l’utilisation abusive d’intrants qui ont pour bases les combustibles fossiles, nous nous remettons à Paulo Freire pour nous éclairer sur les importantes transformations provoquées par cette nouvelle approche du développement rural.

Paulo Freire et l’agroécologie nous amènent à retrouver l’utopie, le rêve qui peut se réaliser lorsque des femmes et des hommes s’assument en tant que sujets historiques et activent, au départ du dépassement de situations limites qui s’imposent à elles et eux, des stratégies possibles de dépassement de diverses oppressions. C’est en nous appropriant la perspective du rêve que non seulement il peut devenir réalité, à vue d’œil, mais que nous nous situons à la place de qui annonce des possibles. La dimension du rêve, pour Freire, n’est pas seulement essentielle : « Je ne comprends pas l’existence humaine et la lutte nécessaire pour l’améliorer sans espoir ni rêve ».

Il va plus loin : « Rêver est non seulement un acte politique nécessaire mais aussi une connotation de la forme historico-sociale d’être femmes et hommes. Il fait partie de la nature humaine qui, au sein de l’Histoire, se trouve en permanent devenir. Se construisant et se reconstruisant comme sujets et objets, femmes et hommes, devenant êtres d’insertion au monde, ont terminé par faire du rêve un moteur de l’histoire. « Il n’y a pas de changements sans rêve, comme il n’y a pas de rêve sans espoir ».

L’espoir, pour Paulo Freire, n’a rien à voir avec une attente passive et immobile. Au contraire, il est impliqué dans l’insertion des sujets dans le monde et dans leurs efforts pour l’améliorer, en vue de construire une utopie, quelque chose d’encore inconnu mais susceptible de se concrétiser. Dans cette construction coexiste une tension entre la dénonciation de ce qu’on souhaite dépasser et l’annonce de ce que l’on souhaite construire et qui, avec le cheminement d’une histoire non déterministe, peut devenir un nouveau présent. C’est ce présent qui peut croître de plus en plus et dessiner de nouveaux futurs que nous voulons exprimer et annoncer. Un présent que nous avons adoré en découvrant la réalité d’innombrables familles paysannes qui, au Brésil, s’y immergent et le travaillent, réfléchissent et créent de nouvelles perspectives pour survivre et avoir leur mot à dire.

Il convient de dire ici que notre intérêt n’est pas seulement théorique. Il est né de la rencontre avec des paysannes et paysans de la commune de Santa María de Jetibá à l’intérieur de l’Etat d’Espirito Santo, au Brésil. En arrivant là en 2015 comme professeure de l’Institut Biologianum d’éducation, science et technologie, nous avons fait connaissance des élèves de la région, dont beaucoup de filles et de fils d’agriculteurs. L’école est située en zone rurale et, à partir de cet instant, nous avons pu partager une nouvelle réalité.

A mesure que nous découvrions les familles et leurs pratiques agricoles, nous avons remarqué un problème grave lié à l’utilisation des pesticides. La commune, malgré l’agriculture familiale qui la caractérise, utilise amplement les pesticides chimiques et possède des taux élevés de suicides et de cancers, ce qui pourrait être en lien avec l’usage élevé de ces produits toxiques. Pour certains, la commune finit par être considérée comme un village de contaminés.

Cette réalité s’est développée dans la région à partir des années septante lorsque les intrants de la révolution verte sont arrivés et ont été répandus. Actuellement, près de 98 % des 3 mille propriétés familiales utilisent les pesticides chimiques, beaucoup d’entre eux perdant peu à peu la possibilité de produire sans ceux-ci. Toutefois et au vue des conséquences pour ces hommes et femmes de la campagne, à partir des années quatre-vingt vont apparaitre les premières recherches d’alternatives. A cette époque, le rôle de l’Eglise evangélique de confession luthérienne fut fondamental et, en collaboration avec une partie de la population insatisfaite des impacts négatifs de l’utilisation de produits toxiques, les bases d’une agriculture organique ont été jetées, qui se sont renforcées et concernent aujourd’hui plus de mille personnes dans la commune.

A cette époque, des centres d’agriculture alternative faisaient leurs premiers pas et les changements entrepris dans les techniques agricoles ont été graduellement testés et incorporés, avec erreurs et réussites, ce qui ultérieurement se consoliderait comme principes d’une agriculture organique qui aujourd’hui compte ses propres normes. Cette initiative apparut comme un chemin possible, car rentable économiquement, produisant de bons résultats, en plus de garantir l’autonomie des populations, de susciter d’autres formes de rapports sociaux, en plus d’apporter aussi une qualité de vie aux travailleuses et travailleurs ruraux, principales victimes du marché des pesticides.

Les changements ont commencé par la fait de considérer que les engrais chimiques sont un problème à résoudre, constituant ainsi un « perçu-détaché ». Pour beaucoup d’agriculteurs, cependant, cette réalité reste encore lointaine tant l’usage des pesticides s’est répandu avec le temps et tant ces personnes sont soumises aux offensives du commerce agricole. De telles offensives, tout en négligeant les recherches concernant les impacts des engrais chimiques sur la santé cachent la nature nocive de ces produits (rhétorique de mépris et d’occultation) et justifient la supposée nécessité de leur usage comme un mal nécessaire, ce qui est de la rhétorique de justification.

Il existe actuellement deux associations de production organique : Apsad-Vida et Amparo familar qui produisent 250 tonnes d’aliments vendus en majorité sur des marchés de Vitória, la capitale de l’Etat.C’est encore peu si on considère l’extension de la ville de Santa María de Jetibá et le nombre de producteurs conventionnels, mais c’est un exemple concret de dépassement de situations extrêmes.

Selon les mots de Paulo Freire, « dépassement et négation d’une donnée, passant d’une acceptation passive de ce qui est, à une attitude décidée face au monde ». Une fois la décision prise, le groupe de départ a pris la tête d’un changement radical dans ses façons de produire « mobilisés pour agir et découvrir l’inédit viable ». La compréhension que la réalité qui s’impose est quelque chose en construction, non déterministe et qu’ensuite, elle peut être transformée en quelque chose de nouveau, restait jusqu’alors inédit.

Percevoir et dépasser cette réalité n’est pas aussi simple qu’il peut sembler. Toutes les rhétoriques du commerce agricole travaillent à maintenir l’adhésion à la réalité d’oppression. Il faut la désidéologiser, connaître son pourquoi et son comment, et ainsi « se percevoir comme hommes et femmes interdits d’exister », d’après Freire. Pour compléter, la mythification de la réalité, qui crée l’adhésion, est enracinée et présente dans beaucoup de processus éducatifs destinés aux populations paysannes, dont la formation professionnelle a été et reste liée à la diffusion des techniques de l’agriculture industrielle.

Ce que nous permet de voir la praxis des personnes pionnières de l’agriculture organique de Santa Maria, c’est qu’il est possible de démythifier la réalité tissée et intégrée par ces sujets : l’idée que l’on ne peut produire- et produire bien- sans le kit de la révolution verte. Cette expérience couronnée de succès peut sembler banale. A tort. Elle est surtout éducatrice de notre espoir. Cette éducation a une telle importance dans notre existence, individuelle et sociale, que nous ne devons pas l’expérimenter de façon erronée, la laissant sombrer dans la désespérance et le désespoir. Désespérance et désespoir, conséquence et raison d’être de l’inaction et de l’immobilisme.

Des expériences réussies de démythification à partir de la construction d’inédits viables nous permettent d’expérimenter l’espoir de façon correcte. Et en l’expérimentant, d’alimenter le rêve que ce monde peut être moins laid. Ou mieux : qu’il est déjà en devenir, même si c’est en groupes réduits et à petite échelle. Pour cela, nous considérons qu’annoncer cela a tant d importance et n’est en rien évident.

En plus de la dimension du rêve, de l’« inédit viable », du dépassement des situations limites, nous observons dans la construction des nouvelles identités paysannes la manifestation de leur vocation à être non dans une perspective purement existentialiste, mais dans celle qui surgit de la conscience de l’oppression vécue et du dépassement de celle-ci. Elle situe les sujets pratiquant l’agriculture durable comme se sachant et se reconnaissant comme sujets transformateurs du monde. Et avec cela, ces sujets vivent pleinement leur parole, non comme des personnes fragmentées car la pratique libératrice est unificatrice : elle ne peut se donner chez un « je » opprimé, ambigu, instable émotionnellement et craignant la liberté. Elle fait émerger un « je » qui reconnaît qu’il n’est plus divisé, qu’il ne craint pas de faire entendre sa voix et de lutter pour qu’elle soit écoutée.

Peu à peu, le mouvement agroécologique de Santa María de Jetibá est passé d’être considérés des fous à être considérés des convaincus, d’après Petersen. Ces personnes s’assumèrent comme sujets historiques, dans leur praxis, désireux de dire leur mot —une parole vraie— et avec celui-ci de transformer la réalité, car « il n’y a pas de parole sincère que ne soit praxis ; il en ressort que dire une parole vraie transforme le monde ».

Plus que l’émergence de paysannes et des paysans convaincus de leurs propos et de leur histoire, l’agroécologie fait naître une nouveau processus de production de la connaissance, caractérisé par la capacité à faire dialoguer les savoirs. Ceci signifie, dans la pratique, l’émergence d’une transdiciplinarité scientifique qui se construit tant par les échanges entre les savoirs d’expérience que par l’incorporation de leurs épistémologies.

La construction de la connaissance agroécologique représente également, sous cette forme, la construction de quelque chose d’inédit. Elle est née et s’est bâtie à partir du dépassement des dichotomies instaurées entre culture et nature. Mais aussi à partir d’une approche dialogique entre divers sujets, institutions, savoirs, où la présence du travail développé a partir d’êtres conscients est centrale dans la production de la connaissance, dans la création et re-création de savoirs : « comme présences dans le monde, les êtres humains sont des corps conscients qui le transforme, agissant et pensant, ce qui leur permet d’appréhender la réalité au niveau réflexif », d’après Freire.

Néanmoins, l’agroécologie ne propose pas une simple adhésion au sens commun. Elle cherche à construire quelque chose de nouveau, au-delà du sens commun mais en dialogue avec celui-ci et qui lui agrège les découvertes scientifiques dans divers domaines, comme l’écologie, la zoologie, la physiologie végétale ainsi que l’économie, la sociologie, l’anthropologie, l’éducation... Elle a été comprise comme une science du champ de la complexité qui recherche l’articulation de diverses connaissances, de différentes disciplines et champs scientifiques ainsi que l’intégration de la connaissance technico-scientifique et du savoir populaire.

Cette nouvelle agriculture naît donc des échanges entre l’empirisme paysan et la théorie agroécologique, sans perdre de vue la dimension complexe constituée par l’agriculture et les agrosystèmes. Ceci implique d’incorporer aux débats les dimensions sociales, culturelles et politiques de production des aliments : redistribution des terres, autonomie paysanne, commerce, prix et justice sociale sont seulement quelques thèmes qui traversent le débat agroécologique au Brésil. En ce dernier se manifeste, de façon pressante, l’impossibilité de dissocier la production d’aliments -comme de connaissances- du combat pour une société juste et plus belle. C’est un paradigme productif et scientifique engagé dans le changement social.
Si ce nouveau paradigme dans l’agriculture est un « inédit viable » en voie de devenir réalité dans la campagne, nous pouvons penser qu’une éducation appropriée à ce nouveau paradigme devrait l’être également.

Les mouvements paysans construisent des alternatives pour l’éducation de leurs enfants et jeunes, en cherchant à dépasser les limites d’un modèle bancaire qui reproduit l’éducation urbaine en milieu rural et rend invisible le discours rural comme lieu d’énonciation, de mode de vie et de production culturelle. A partir des années quatre-vingt, les expériences de deux mouvements principaux —les Ecoles familiales agricoles et les Maisons familiales rurales—, régies par la pédagogie de l’alternance, et à partir des années nonante, les initiatives du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre sont à l’origine au Brésil du paradigme de l’éducation de la campagne.

Il apparaît dès lors clairement que l’action des peuples paysans doit passer par la défense non seulement de l’agriculture familiale et la revendication d’une éducation spécifique mais aussi celle d’un nouveau modèle de production, qui soit émancipateur et durable, capable de promouvoir l’autonomie des personnes et d’améliorer la qualité de vie dans les campagnes.

Nous pensons que l’éducation des populations paysannes doit aller de pair avec cette recherche de libérer hommes et femmes des impositions, exigences et dépendances des intrants de l‘agriculture industrielle, fruits des offensives du capitalisme dans la campagne. Pour cela, il faut une éducation qui discute, réfléchisse et construise, avec les paysannes et les paysans, avec leurs êtres conscients, les possibilités d’un nouveau modèle productif. Celui-ci ne peut enlever aux agriculteurs et les agricultrices l’autonomie de leur travail et de leur savoir lié à ce dernier. Mais en même temps, il doit se montrer capable de dépasser le sens commun, d’incorporer des avancées qui rendent possible, de façon durable, une plus grande productivité agricole.

Nous avons aussi rencontré aussi à Santa Maria de Jetibá une expérience novatrice dans le domaine de l’éducation : une Ecole familiale agricole, fondée en 1990 qui a lancé en 2000 un cours de formation professionnelle intégré dans l’enseignement moyen. En quelques mots, l’école souhaite acquérir le label de propriété organique, car telle est la modalité de production et d’enseignement.

Au delà de cette expérience éducative, beaucoup d’autres ont émergé au Brésil principalement au sein des communautés installées par le Mouvement des sans terre. Il s’agit de la naissance d’une éducation qui, malgré ses limites, vient questionner le modèle de développement rural basé sur le commerce agricole tout en affirmant l’importance de l’agriculture familiale et de la production durable qui garantit l’entretien de la santé des familles paysannes et de l’environnement. Ces expériences sont maintenant au cœur de notre intérêt car elles alimentent notre espoir de voir se construire ces nouveaux sujets et de nouveaux mondes ruraux.

Notre trajectoire de travail à l’Institut fédéral nous rappelle continuellement que la thématique mentionnée n’est pas seulement nécessaire mais vitale. Nous observons quotidiennement les travailleuses et travailleurs de la campagne, tout comme leurs fils et filles, d’âges divers, au milieu de cultures empoisonnées. Nous les voyons porter les pompes chargées de poison sur les épaules, le plus souvent en sandales, sans la moindre protection exigée pour l’utilisation de ces produits.

« La révolution est biophile et créatrice de vie ». Elle cherche quelque chose de plus vitale que la production de ce qui nous nourrit et nous maintient en vie. Respecter ce processus et l’appliquer avec la beauté nécessaire est plus qu’un acte révolutionnaire : c’est un acte de respect de la vie dans toutes ses dimensions. Des sujets qui la pratiquent, des sujets qui la consomment et de la vie elle-même qui s’exprime non seulement dans l’élément vivant mais s’étend et s’équilibre sur base d’interactions entre de multiples espèces et entre celles-ci et le milieu, formant la complexité d’un agroécosystème.

Voilà la logique de la vie et de l’abondance et non de la mort. L’engagement à transformer le monde pour libérer les hommes et les femmes, à partir de leurs êtres conscients, de traiter avec la terre et la nature, à partir de leur praxis. Praxis qui nous permet d’entrevoir un horizon, certes imparfait mais rempli de beauté, pour ceux et celles qui vivent dans le monde rural et sont responsables de créer la vie. Laquelle, à son tour, nous maintient également en vie et attentifs aux possibilités de faire entendre à notre tour notre propre parole, sincèrement désireux que celle-ci devienne aussi chaque jour plus vraie.

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