L’intégration digitale dans les salles de classe en Afrique et ailleurs

Mise en ligne: 3 juin 2017

Soutenir l’objectif de développement durable consacré à l’éducation, par Seydou Sarr

L’objectif de développement durable consacré à l’éducation (ODD4) vise à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». Pour de nombreux experts de l’éducation, atteindre cet objectif passe par l’amélioration des pratiques éducatives et un soutien accru aux chefs d’établissements et aux enseignants.

Dans un monde de plus en plus digitalisé, les technologies de l’information et de la communication constituent un énorme potentiel pour assurer une réforme efficace du système éducatif. Comment faire en sorte que cela devienne une éducation pour tous et pas uniquement pour ceux qui ont déjà accès à la technologie appropriée ? Comment éviter le fossé digital ? C’est la question posée par Educaid.be, la plateforme belge chargée de renforcer et promouvoir l’éducation dans la coopération belge au développement, lors de sa conférence annuelle organisée le 18 mai 2017 à Bruxelles

Priorité aux contenus pédagogiques

L’exposé introductif de la conférence a dressé les avancées importantes dans le domaine de l’éducation, surtout en Afrique, ces quinze dernières années. Les bonnes performances concernent notamment la scolarisation des enfants, aussi bien garçons que filles, même au cycle secondaire.

Pour autant, il reste encore de nombreux objectifs à atteindre et de défis à relever. L’évolution du monde vers plus de technologies ouvre de nouvelles perspectives pour l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Et au cours de cette conférence, les points de vue ont semblé converger pour reconnaître qu’une utilisation judicieuse de la technologie digitale peut s’avérer bénéfique si on veut atteindre l’ODD4.

Les présentations et les discussions qui ont enrichi la conférence permettent de considérer l’intégration des nouvelles technologies dans l’éducation sur un plan pyramidal. A la base, la conception et la mise en place d’infrastructures et du matériel-hardware conçus et adaptés au contexte, la création d’applications-software pour transmettre le contenu pédagogique élaboré selon les enjeux éducatifs. Aussi et surtout, la formation et l’assistance nécessaires pour avoir un impact sur l’amélioration du système éducatif et garantir les résultats espérés.

Pour contribuer à rendre le système d’enseignement plus performant, l’intégration digitale doit se faire sur des fondations solides et éprouvées, faire appel à des approches innovantes et créatives, et prévoir une utilisation à une large échelle, incluant les personnes les plus désavantagées et marginalisées.

Le panel d’experts et les trois sessions inscrites au programme de la conférence ont rappelé l’objectif prioritaire de l’entrée de la technologie digitale dans le système éducatif, à savoir le changement et l’amélioration des pratiques éducatives. La mise à la disposition des enseignants de l’outil technologique est une opportunité pour améliorer les contenus pédagogiques ou en façonner de nouveaux. Pour faire mieux ce qu’ils font déjà, en le faisant de manière différente ou en y ajoutant de nouvelles approches. Tout en gardant à l’esprit que le clavier ne remplacera pas la craie, tout comme l’écran tactile n’effacera pas le tableau noir.

L’enseignant et la formation continue sont une des clés de la réussite de l’intégration digitale dans la salle de classe. Mais cela dépend de la manière d’intégrer la technologie à la pédagogie existante.

Il est possible que la décision soit prise par les autorités politiques en charge de l’élaboration des programmes scolaires uniformisés, applicables à l’ensemble du système éducatif. Si cette forme d’intégration a l’avantage de s’appliquer sur une grande échelle, elle est souvent confrontée aux résistances des acteurs du terrain que sont les enseignants et les directeurs d’établissements chargés de la mise en application. Résistances dues aux craintes d’affronter les changements induits par les innovations digitales, la routine et le découragement, l’appréhension quant à l’obligation de se mettre à niveau. Un environnement favorable, favorisant l’implication de l’enseignant et la valorisation de son statut, peut aider à surmonter les résistances.

A l’inverse, l’intégration digitale peut être envisagée avec plus de chance de réussite lorsque les enseignants sont eux-mêmes porteurs de projets innovants, qui supposent l’élaboration et la gestion de nouvelles pratiques pédagogiques. Un défi à relever pour de nombreux enseignants engagés dans l’évolution technologique, dont la première étape est la rupture avec l’isolement de la salle de classe.

Renforcer le rôle des enseignants

La réussite de l’intégration digitale dépend en grande partie de l’implication, de la motivation et la formation du corps enseignant, dont le statut doit être valorisé et la place reconnue comme essentielle à tous les stades. Les éducateurs seront plus à même de s’approprier les outils et contenus technologiques s’ils se sentent soutenus, encouragés et récompensés dans leur engagement.

C’est par la concertation et l’adoption de mesures incitatives que les autorités en charge du programme scolaire pourront gagner l’adhésion des enseignants, et susciter de nouvelles vocations.

L’implantation des supports technologiques est une étape importante qui doit préparer les enseignants à leur nouvel environnement pédagogique. L’idée n’est pas de les former à l’utilisation des équipements technologiques et à en faire usage de manière occasionnelle, ou pour des activités qui n’entrent pas dans le cadre d’un projet pédagogique à long terme.

La formation et l’accompagnement sont indispensables. Les experts invités à la conférence d’Educaid.be ont présenté quelques expériences encourageantes d’intégration de la tablette, de la vidéo digitale ou de la téléphonie mobile 3G/4G dans l’éducation et la formation à distance, ainsi que les changements dans la manière d’enseigner qui en découlent, jusque dans les régions isolées des pays en développement. Pour les enfants qui n’ont pas un accès facile à l’éducation, certaines expériences démontrent qu’il est possible d’y arriver, en adaptant la technologie au contexte ou en s’appuyant sur les ressources disponibles sur place.

Encourager la formation des jeunes, surtout des filles, aux métiers de la technologie, de l’ingénierie et des sciences, comme cela se fait dans un projet au Kenya, c’est leur offrir les compétences nécessaires pour assurer leur emploi futur. En maîtrisant et en s’appropriant les nouvelles technologies, ils sont mieux préparés à jouer un rôle dans le développement de leur pays.

Les technologies de l’information et de la communication font la promesse d’un apport considérable dans le domaine de l’éducation. Mais le succès ne sera mesuré que dans la durabilité de l’intégration de la digitalisation dans le système éducatif. Il faudra cependant plus d’efforts au niveau local, national, régional et international. Si l’implication du personnel pédagogique et la concertation avec les autorités académiques et politiques sont indispensables pour la mise en application à large échelle des programmes scolaires, il est tout autant crucial de mettre à disposition des moyens suffisants.

Atteindre l’ODD4 dans les pays en développement suppose également la mobilisation de moyens au niveau international. C’est l’avis de Julia Gillard, ancienne première ministre de l’Australie, actuellement présidente du Partenariat mondial pour l’éducation, qui a insisté sur l’importance de l’intégration des technologies de l’information comme ressources additionnelles qui, sans remplacer des enseignants bien formés et qualifiés, peuvent élargir et approfondir l’apprentissage des apprenants.

Dans sa réponse à Julie Gillard, le ministre de la coopération belge, Alexander De Croo a réitéré l’engagement de la Belgique dans le soutien aux objectifs du développement durable en général et à l’éducation en particulier. Le ministre a rappelé tout l’intérêt qu’il accorde à la question de la digitalisation, le département qu’il dirige ayant également en charge l’agenda numérique, les télécom et la poste.