Les médias occupent une place aussi importante que l’école ou la famille en matière de socialisation. L’enjeu lié à leur discours est dès lors capital, par Otman Louaret
Réfléchir au rapport entre les médias et la diversité sociale et culturelle, c’est d’abord analyser la manière dont les médias rendent compte de cette diversité et, d’autre part, poser la question de la place qu’occupe cette diversité au sein des médias, la question de la représentation de cette diversité dans les médias.
Il est possible d’attribuer aux médias une place importante dans la fabrication des représentations du monde, dans la manière de penser et d’agir des personnes et dans l’imaginaire social. La construction des manières de parler passe de façon prégnante par les médias. Il est impossible pour les médias de ne pas se baser sur un certain ordre social à partir duquel ils s’expriment et qu’ils reproduisent souvent et consolident inévitablement.
Si l’on pose une question large de type « par quoi passe l’éducation ? », il est relativement aisé d’être convaincu par le fait que les médias occupent une place au moins aussi importante que l’école ou la famille. Dès lors, l’enjeu lié au type de discours qu’ils produisent est capital. La terminologie, les expressions sont rendues populaires par les médias. Des conséquences liées à l’emploi de certains mots se font sentir alors et les médias peuvent contribuer à faire vivre des rapports de force existants entre différents groupes.
Si le journaliste n’est peut-être pas toujours conscient des conséquences des mots qu’il utilise, il faut, à tout le moins, qu’il en analyse les causes et s’interroge sur le sens de sa terminologie. Des expressions telles que « jeunes d’origine difficile », « quartiers sensibles » ou même « candidat issu de la diversité » paraîtront parfois anodines mais peuvent pourtant être lourdes de stéréotypes et marquer des catégories de personnes désignées de la sorte. Des stéréotypes véhiculés par les médias et ensuite portés par les personnes qui lisent les journaux, écoutent la radio, regardent le journal télévisé.
Par ailleurs, comment une bulle médiatique peut prendre de l’ampleur ? Voilà une question incontournable pour qui veut agir dans le sens de l’interculturel. Dans un contexte de formation à l’interculturel, les médias peuvent occuper un espace qu’il importe nécessairement de prendre en compte. L’influence des médias est aujourd’hui omniprésents dans l’imaginaire des personnes et dans leurs constructions symboliques du monde.
Cela peut se traduire par des influences positives. Cependant, c’est loin d’être toujours le cas dans les représentations où les médias peuvent jouer un rôle négatif sur un travail d’éducation permanente en allant à l’encontre des objectifs que cette dernière veut obtenir.
Travailler sur l’interculturel suscite inévitablement des interrogations sur le pouvoir médiatique. Ce sont bien sûr les questions sur le rôle des médias dans la stigmatisation des personnes qui posent d’abord problème. Comment changer le regard du public si les médias démolissent souvent ce que l’interculturalité cherche à construire ? Comment s’y prendre avec les médias lorsqu’ils font référence à des origines étrangères lorsqu’ils traitent de la criminalité dans les grandes villes ? Comment contrer les effets quelque fois pervers du langage de la rubrique « faits divers » des journaux ?
Répondre à ces questions, c’est réfléchir sur la façon dont les médias abordent la question des personnes d’origine étrangère afin de permettre une meilleure connaissance des mécanismes qui agissent sur le plan individuel et collectif. Agir sur ces acteurs centraux que sont les médias permettrait d’élargir l’action interculturelle. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre que les journalistes sont des acteurs-relais. Et, en ce sens, ils représentent un public-clé.
Les représentations des gens et le modelage de l’opinion publique sont influencés par ce que proposent les médias. Le rappeler est essentiel mais apparaît comme insuffisant lorsque l’on analyse la production médiatique. C’est dans une perspective de réflexion sur la production des médias que se situe un travail sur les médias et la diversité culturelle. Car si les projets et les initiatives sur la question sont nombreux, on s’aperçoit que l’analyse s’arrête souvent à la critique du support média en tant que produit fini.
La déconstruction du produit médiatique est salutaire dans la prise de conscience de l’implication et de la pénétration des médias sur les individus d’une société. Néanmoins, pour modifier les pratiques médiatiques, l’analyse doit immanquablement observer les stades qui précèdent la circulation du produit fini. Cela revient à mettre davantage en avant le processus de construction médiatique. C’est la première étape et le lieu d’une remise en question plus radicale et donc sans doute davantage porteuse de conflits.
En d’autres termes, il s’agit de dépasser la simple déconstruction journalistique ou des structures médiatiques en général, de manière à placer l’action au-dessus de l’individu critique à l’encontre des médias, de manière à pouvoir mettre en place des situations d’action collective. A partir de là, des questions sur la façon dont on peut modifier les pratiques des journalistes ou encore agir sur leurs programmations paraissent moins lointaines.