La coopération belge a mis sur pied, pour ses cinquante ans, une exposition destinée à susciter le désir de coopération auprès des jeunes. Une expo intéressante, mais qui laisse un goût de trop peu, évidemment prévisible, par André Linard
Quand l’instance la plus officielle du pays en matière d’aide au développement, la Coopération technique belge (CTB), opérateur pour le compte du Ministère, parle de ses activités, il faut évidemment s’attendre à une prise de distance limitée. L’exposition 50/50 Nord-Sud qu’elle a organisée cet automne 2006 pour marquer les cinquante ans de coopération belge peut ainsi être vue de deux manières : pragmatique ou plus radicale.
Au premier regard, donc, on se dit que c’est assez complet, et assez bien fait, sans être très original. Des photos, des objets, du texte... Beaucoup de textes, qui risquent de décourager des visiteurs peu motivés au départ. Mais c’est en partie dû au fait que tout est écrit en double, français et flamand, Belgique oblige.
Les bonnes questions sont posées, mais orientées de façon telle que la coopération, sous diverses formes, apparaisse comme réponse. C’est que la cible et l’objectif sont clairs. La cible : les jeunes de fin de secondaire et de début d’université. L’objectif : « Faire connaître la coopération au développement aux jeunes, qui ne connaissent que l’humanitaire, et faire naître des vocations », explique la guide qui a piloté les journalistes.
Alors on fait dans l’interactif, pas mauvais. On expose la lettre de Yaguine Koita et Fode Tounkara, ces deux jeunes Guinéens, dont les ados de 2006 ne se souviennent sans doute pas. On prévoit un guide pour enseignants et un quiz individuel pour les élèves... Puisqu’il s’agit de célébrer un anniversaire, la problématique de la coopération, jamais séparée de celle du développement, est racontée dans une perspective historique, sur une ligne du temps, avec ses différentes étapes : l’émergence du concept de développement, l’assistance technique, le commerce équitable, les ajustements structurels, le genre, la mondialisation, le développement durable, et on en passe. Pour finir, bien sûr avec ce qui est devenu le leitmotiv de la coopération belge : les Objectifs du millénaire, dont l’accomplissement se révèle de plus en plus illusoire, même pour ceux qui y ont cru un jour. Et l’avenir est abordé dans la partie finale de l’exposition qui invite les visiteurs à s’engager, même ici le cas échéant, pour des changements sociaux.
La CTB est parvenue à intégrer dans son exposition d’autres acteurs comme les ONG de développement ou de défense des droits humains, éventuellement concurrentes de la coopération officielle, mais que celle-ci cofinance par ailleurs, de toute façon. Elle souligne aussi la place que des migrants en Belgique peuvent occuper dans la coopération au Sud. Donc, tout ça n’est pas mal fait. Mais...
Car il y a un « mais » auquel, il faut bien le dire, on s’attendait dès le départ : à aucun moment, le principe même de la coopération n’est remis en doute. Or, cette mise en cause fait partie d’un courant au moins des analyses du développement. Et si la coopération était une part du problème, au lieu d’être une composante de la solution ? Et la dépendance envers l’aide ? Et les modèles culturels, sociaux ou économiques véhiculés par les coopérants ? Bien sûr, la plupart d’entre eux et des projets financés - quand ils sont bien pensés en tout cas - apportent un plus quelque part. Mais globalement, la coopération, comme système, comme élément dans la globalité des relations Nord-Sud ? On aimerait comprendre, par exemple, pourquoi, après cinquante ans de coopération, l’espérance de vie baisse dans certains pays africains. Percevoir dans quelle mesure l’aide belge, qui a littéralement « pourri » le Rwanda à une époque, a pu jouer un rôle dans le génocide. Connaître le sens de l’envoi d’agronomes ou d’enseignants dans des pays où des gens ont ces compétences, mais ne trouvent pas de boulot.
Le défaut de la démarche de la CTB est probablement celui-là : parler en même temps du développement et de la coopération, alors que leurs voies ne sont pas toujours parallèles. Mêler analyse et promotion. Mais peut-on attendre d’un acteur qu’il prenne une distance critique suffisante sur sa propre action ? Et qu’il aille jusqu’à scier la branche sur laquelle il est assis ?
Jusqu’à un certain point, donc, 50/50 Nord-Sud aborde de bonnes questions, mais elle « cale » à la limite des intérêts de l’émetteur du message. Normal ? Oui, mais autant en être conscient.
L’exposition a été montée avec l’appui pédagogique d’Annoncer la couleur, un service de la CTB à vocation pédagogique, et a été présentée à la Maison internationale, rue Haute durant six semaines. Elle a accueilli durant ce délai 3600 personnes, dont 1200 élèves. C’est peu ? Beaucoup ? Fifty fifty...