Pub et ONG, avant et après

Mise en ligne: 6 décembre 2006

Les techniques de la publicité semblent difficilement conciliables avec l’essence du travail des ONG. Aujourd’hui en situation de concurrence sur le marché du don et à la recherche d’une certaine autonomie envers le pouvoir politique, presque toutes y recourent, par Maude Malengrez

Communiquer sur des actions de développement n’est pas chose aisée, tant ces dernières charrient de rapports complexes. En capturer l’essence selon des moyens de communication modernes comme ceux qui régissent la publicité apparaît comme une mission impossible. Les ONG ont toujours communiqué sur leurs actions, mais aujourd’hui, beaucoup y voient un moyen de subsister face aux impératifs fixés par l’aide publique et l’érosion du marché de la solidarité. Beaucoup d’ONG d’essence chrétienne ont dû se poser la question de leurs rentrées de fonds de manière criante avec la désaffection des mouvements d’églises. Qu’on le veuille ou non, les techniques de marketing sont devenues indispensables au monde de la solidarité, les responsables « marketing » ou « communication » très recherchés dans le secteur. La course au donneur d’ordre permanent est lancée dans les rues, la sous-traitance à des entreprises de marketing étant un seuil définitivement franchi pour beaucoup d’organisations.

Marketing et développement

Les ONG de développement sont sans cesse tiraillées entre leurs objectifs d’éducation au développement, qui impliquent des changements de comportements sociaux et de société et leur nécessité de récolter des fonds. Comment combattre un système pour son mercantilisme en utilisant les moyens de sa reproduction qu’est entre autres la publicité ? « Le Nord et le Sud existent pour s’attirer. Le profit et la rentabilité aussi », ce slogan du projet Baobab qui réunit publicitaires et ONG est fondamentalement à l’opposé du travail de nombreuses ONG qui combattent un système économique créateur d’inégalités, symbolisé par la recherche de profit et de rentabilité à tout prix. Les ONG de développement se demandent chacune jusqu’où fricoter avec le marketing. « Des gens me contactent, en me disant qu’il suffit de peu pour augmenter sensiblement ma récolte, déclare Moha Heni, responsable de la campagne aux Iles de Paix. Il y a des gens ouverts pour mettre leur savoir-faire à disposition, mais ces spécialistes du marketing passent à côté de certains éléments qui relèvent de la vocation première de l’association. On ne veut pas susciter la pitié, jouer sur l’émotionnel avec des gosses squelettiques ».

Les ONG humanitaires, apparues dans les années quatre-vingt et nonante répondent à une autre logique. Tournées initialement vers la réponse urgente à des situations de crise, elles sont peu préoccupées par la sensibilisation du public à des changements durables, qui ne cadrent d’ailleurs pas avec leur idéologie. Il leur faut donc faire rentrer des fonds, ce qui réduit le choix des moyens utilisés et la liberté d’avoir des scrupules ; le but est de « faire du chiffre ». Médecins sans frontières ou Médecins du monde n’ont jamais lésiné pendant leurs campagnes, insistant sur les missions salvatrices des médecins blancs et sur la seule action accessible au public : donner.

Ce serait donc la nature du travail humanitaire qui dicterait la nature d’une campagne. Mais sur le marché du don, les autres, même celles qui font du développement, ont été forcées de suivre, acculées à mettre sur pied des campagnes les plus rentables possibles, avec des moyens parfois éloignés des valeurs de leurs projets. Bien souvent, celles qui ne sont pas rentrées dans le jeu voient leurs recettes baisser.

La culture-pub

Des campagnes ont mis en scène des images « avant et après » l’arrivée des sacs de riz ou la déshydration, « avant et après » le parrainage, jouant sur la culpabilité à court terme de l’individu ... En Angleterre, cependant, des ONG se sont réunies pour réaliser une campagne « avant et après » qui montrait exactement la même photo d’un nourrisson famélique, pour démontrer qu’il ne suffit pas de donner, et interroger le potentiel donateur sur son acte de don et son implication. L’outil publicitaire peut aussi faire réfléchir.

Mais l’aspect créatif du monde de la pub peut nier un débat de fond complexe en recherchant le slogan choc, touchant, percutant. Aussi, la pub a le fâcheux désavantage de rendre les choses caduques et périssables. En langage marketing, le concept du développement, durable ou autre, est soumis comme tous les autres au turn over et, peut-on lire sur le site de abcmarketing.fr, « le concept d’entreprise citoyenne a été remplacé par celui de développement durable, qui semble atteindre son stade de maturité, à partir duquel il déclinera inexorablement pour être absorbé ou tout simplement substitué par un nouveau concept sociétal ou environnemental. Il n’en demeure pas moins que les problématiques environnementales perdureront ».