Une lumière sur le miel et sur les gens qui le récoltent, par Angelo Caserta
Parmi les produits alimentaires du commerce équitable, le miel a été l’un des premiers à être commercialisés, mais très peu d’études, de publications ou de campagnes lui ont été consacrées, à différence d’autres produits mieux connus par le grand public, comme le café, le cacao ou les bananes.
Plusieurs clients des magasins de commerce équitable demandent, souvent, pourquoi commercialiser du miel, dans des pays qui en sont aussi des grands producteurs. En fait, peu de gens savent que l’Union Européenne est le premier importateur mondial de miel, en raison de la forte consommation en tant que produit vierge et élaboré, surtout dans les produits de boulangerie.
Peu de gens non plus sont au courant de l’importance que ce produit a pour l’économie des pays économiquement moins développés et, notamment, pour les petits producteurs dans ces pays.
Des abeilles et des hommes, publié par Miel Maya Honing, une organisation belge de commerce équitable spécialisée dans l’importation du miel en provenance du Mexique, a donc le mérite de jeter une lumière sur ce produit à hautes qualités alimentaires et sur les gens qui forment sa filière de production, de transformation et de distribution.
Le livre, en combinant informations et témoignages sur le produit, sur l’apiculture au Mexique et à échelle mondiale et sur le commerce équitable, donne une vision assez large et complète des éléments de réflexion et d’aide à l’achat au delà du simple commerce équitable.
Dans une première partie, l’accent est mis sur les propriétés organoleptiques du miel et sur l’importance des abeilles comme indicateurs d’un environnement sain. La deuxième partie, focalisée sur l’apiculture au Mexique, fait parler les protagonistes, les partenaires mexicains du Miel Maya, qui racontent comment l’apiculture peut être une alternative viable pour un développement durable.
L’expérience mexicaine est ensuite confrontée aux défis de la mondialisation et de la concurrence d’autres pays, notamment la Chine, qui réussissent à pénétrer dans les marchés européens grâce à des prix très bas allant de pair souvent avec une qualité très faible.
L’analyse du marché mondial et européen montre aussi l’importance du conditionnement —traitement qui permet de donner au miel la texture et la couleur appréciées pas les consommateurs— et des conditionneurs, dont les plus importants sont membres de la Fédération européenne des emballeurs et distributeurs, FEEDM. Les règles qui émanent de cette fédération répondent parfois plus aux intérêts commerciaux des grands conditionneurs qu’aux intérêts des consommateurs en termes de qualité du produit.
Par exemple, la FEEDM approuve la technique dite d’« ultra-filtration » qui supprime non seulement les débris mais aussi le pollen présent dans le miel, ce qui constitue une sorte de « carte d’identité » du miel permettant de dé- terminer son origine florale ou géographique. La conséquence principale, outre la perte de qualité du miel, est l’augmentation de possibilités de fraudes car un miel ultra filtré peut bien être confondu avec un miel édulcoré.
Le commerce équitable, par contre, représente une garantie pour les consommateurs en termes de qualité du produit et d’équité du prix payé aux apiculteurs des pays économiquement moins développés. Les concepts de « prix juste » et de « revenu juste », la filière du Miel Maya, l’impact du commerce équitable sur les apiculteurs mexicains sont exposés dans la quatrième partie du livre. Des exemples de prix juste et de revenu juste montrent qu’avec le commerce équitable les apiculteurs mexicains obtiennent une rémunération nette qui va du double au triple du salaire d’un journalier agricole dans la même région.
Dans la partie finale du livre, les auteurs montrent comment les différents acteurs de la société civile peuvent participer et appuyer la démarche du commerce équitable.
Du point du vu du récit, la lecture du livre n’est pas toujours aisée. Il s’agit d’un livre « collectif », dans le sens que plusieurs auteurs, liés à Miel Maya Honing, sont intervenus dans sa rédaction. Si ceci garantit d’un côté la richesse d’un « conte à plusieurs voix », cela génère, d’un autre côté, un style fragmenté et pas toujours cohérent. Parfois certains auteurs perdent un peu de rigueur pour entrer plutôt dans un discours plus promotionnel.
Mais en dépit de ces faiblesses, Des abeilles et des hommes représente un premier ouvrage important dans le panorama des publications du commerce équitable, avec le mérite d’attirer finalement notre attention sur un produit délicieux et différent d’autres plus connus comme le café et le cacao qui ont fait l’objet de plusieurs campagnes de commerce équitable aux cours des dernières années.
Publié dans Antipodes n° 165, juin 2004.