La présentation du Rapport 2000 du Programme des Nations Unies pour le éveloppement, PNUD, est une occasion pour se pencher sur la situation des droits humains dans le monde… et sur leur avenir, par Samy Hosni
Pas de surprise cette année, la cuvée 2000 du Rapport du PNUD se trouve dans la continuité des précédents et surtout nous confirme que le chemin des Droits de l’homme est long et ardu. Il est avant tout une longue présentation de chiffres qui permettent de quantifier pour l’ensemble du monde l’évolution d’aspects aussi divers que l’espérance de vie, le statut des femmes ou l’alphabétisation. Cette suite de statistiques peut paraître un peu lourde mais semble être un excellent indicateur de l’évolution des droits de l’homme. Pour mesurer l’indicateur du développement humain (IDH) la statistique tient compte de trois variables : l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’instruction (alphabétisation des adultes et taux brut de scolarisation combinés) et le produit intérieur brut réel par habitant. Un indicateur sexo-spécifique du développement humain (ISDH) prend en compte les mêmes variables mais exprime en plus les disparités sociologiques entre hommes et femmes.
Ces chiffres fournissent de précieux renseignements sur divers domaines du développement humain, mais doivent être manipulées avec précaution : il faut savoir lire, si ce n’est décoder, une statistique : exemple, pour nonante pays il n’existe pas de mesure du taux d’alphabétisation. De plus ce dernier est extrêmement difficile à quantifier : certains pays considèrent analphabète toute personne n’ayant jamais été à l’école, d’autres pendant au moins quatre ans. Point à discussion, le classement du PNUD peut être interprété par certains comme un jugement de valeur quant au stade atteint par un pays particulier dans le processus de développement : loin de ce schéma-là, le rapport précise que l’information et les statistiques constituent un instrument puisant pour forger une culture de la responsabilité et réaliser les droits de l’homme. L’objectif ? : produire des données et des preuves destinées à faire tomber les barrières de l’incrédulité et à inciter au changement des politiques et des comportements.
Que nous révèlent ces fameux chiffres ? Sur les 174 pays recensés, 46 présentent un niveau de développement humain élevé, 93 un niveau moyen et 35 un niveau faible. Vingt pays voient leur indicateur reculer depuis 1990 sous l’effet de la pandémie du sida, surtout en Afrique subsaharienne, de la stagnation économique ou des conflits. Le Canada reste le pays-phare du développement humain, la Belgique est à la septième place. Distorsion de la statistique et preuve qu’il ne faut pas être trop pointilleux avec ces données, le Luxembourg arrive 17e pour le simple fait qu’il ne dispose pas d’université ! Loin de ces pays de cocagne, la Sierra Leone, le Niger et le Burkina Faso occupent les derniers échelons du classement. Pour combler son déficit, l’Afrique subsaharienne mettra deux fois plus de moyens que l’Amérique latine et les Caraïbes et près de trois fois plus que l’Asie du Sud-Est. Autre constatation : le lien entre la prospérité économique et le développement humain n’est ni automatique ni évident. Selon le Rapport, il n’existe pas de relation directe entre les ressources et les droits : un revenu élevé ne garantit pas aux pays riches qu’ils seront épargnés par les violations des droits de l’homme, pas plus que la faiblesse de leurs revenus n’empêche les pays pauvres de faire des avancées impressionnantes. Sur les 174 pays considérés, 69 se classent moins bien selon l’indicateur de développement humain que selon le PIB par habitant : ces derniers réussissent moins bien à transformer leur richesse en amélioration des conditions de vie de la population.
L’ISHD constate, on s’en serait douté, que dans tous les pays des discriminations existent envers les femmes. Dans certains cas le classement en fonction de l’ISHD est supérieur à l’IDH ce qui indique une répartition plus équitable entre homme et femmes. Ces pays sont très disparates : on retrouve des pays industrialisés (Danemark, France) ou en développement (Tunisie, Sri Lanka, Thaïlande). Sans surprise, ce sont les pays scandinaves et l’Islande qui sont les plus égalitaires : ils renforcent non seulement de manière efficace les capacités élémentaires des femmes mais offrent en plus à la gent féminine d’importantes opportunités de participer à la vie économique et politique.
A côté de ces données statistiques, le Rapport 2000 du PNUD envisage le développement sous la lunette des droits humains. Il s’agit bien évidemment des droits civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels, ceux-ci étant indivisibles et interdépendants. Selon Pierre Harzé, consultant au PNUD, le développement doit être axé sur les droits de l’homme et on peut s’attendre à une refonte des stratégies en cette matière : « Quand on voit ce qui c’est passé à Seattle, par exemple, ma conviction est qu’on doit subordonner la loi marchande au droit humain. Il y a également un lien dialectique entre civil, économique et social : l’analphabétisme et la misère fertilise le terreau de la dictature. Il faut absolument garantir les Droits de l’homme par une institution garante de son respect. Il est par exemple incroyable qu’aucun mécanisme ne permet de contraindre les multinationales, comme Nike et Adidas, coupables d’exploitation infantile, de respecter les droits humains ». Dan Van Raemdonck, le président de la ligue des droits de l’homme est de cet avis et renchérit : « Le respect des droits de l’homme est une obligation. Il faut également développer ceux-ci de concert avec les droits économiques, c’est fondamental. Il faut le rappeler pour soulever toutes les ambiguïtés du Rapport. A une époque de mondialisation économique triomphante, nous sommes en droit de demander une mondialisation des droits de l’homme ».
Et de demander la création d’un organe international indépendant qui serait le héraut, le protecteur et le défenseur des droits de l’homme : cette instance aurait le même pouvoir que le FMI en matière monétaire et aurait un pouvoir de contrainte envers les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements en matière de droits de l’homme. Ce projet, même s’il est utopiste, doit être un moteur dans une redéfinition de l’être humain : Celui-ci doit ne doit plus être un moyen mais une fin. Finalement, il faut repenser à cette phrase d’Edgard Morin : « l’égoïsme intelligent, c’est la solidarité ».