L’éloge de soi, un genre littéraire panafricain

Mise en ligne: 5 février 2014

Parmi les genres de la littérature orale africaine, on distingue un genre singulier qui consiste à se faire des éloges à soi-même, par Ngo Semzara Kabuta

Nous nous proposons, dans cet article, de présenter quelques aspects de l’éloge de soi dans la littérature orale africaine. Après avoir justifié l’existence d’un tel genre, nous en examinons les caractéristiques formelles. Nous montrons ensuite comment l’éloge de soi, à travers la devise, qui est généralement construite autour d’un nom propre, intervient dans le rituel d’intronisation ainsi que dans le récit historique et l’épopée. Cette démarche nous permet d’en mieux percevoir la signification. Pour terminer, nous montrons qu’il est possible de s’inspirer des traditions orales pour élaborer des techniques permettant de construire une société plus humaine.

En Afrique, le modèle dominant de société paraît être collectiviste. En d’autres termes, l’intérêt du groupe passe avant celui de l’individu et l’on recherche davantage la survie du groupe que celle de l’individu. Parlant des Gikuyu du Kenya, Kenyatta (1968 : 195) fait les observations suivantes, qui peuvent facilement se vérifier dans un grand nombre de sociétés africaines : « L’individualisme et l’égoïsme étaient exclus, car chaque membre devait parler au nom de son groupe particulier ou de la tribu. Le pronom personnel « je » était utilisé très rarement dans les assemblées publiques. Le sens du collectif était si enraciné dans l’esprit des gens que des activités telles que manger, boire, travailler et dormir étaient faites collectivement. » [1] Les règles de bienséance interdisent le discours autoglorificateur, comme l’exprime bien ce proverbe songye, qu’on trouve aussi chez les Lubà (République Démocratique du Congo) : « Le cultivateur ne se glorifie jamais. Ce sont les observateurs qui le glorifient et distinguent le cultivateur qui cesse tôt de celui qui cesse tard » (Lumeka 167 : 43).

Or, parmi les genres de la littérature orale africaine, on distingue un genre singulier, qui consiste précisément à se faire des éloges à soi-même. Il est abondamment attesté en Afrique et ce, depuis l’Egypte ancienne. Il y a, manifestement, contradiction. Plusieurs langues africaines utilisent une terminologie spéciale pour désigner le genre. Ainsi, en somali, c’est faan, [2] en kinyarwanda, ibyîvugo [3] et en yaka, thandumunu. [4] Quant à nous, nous utiliserons par convention le terme autopanégyrique pour désigner génériquement toutes les formes de poésie auto-élogieuse et réserverons le terme autolouange à un type particulier de cette poésie que nous développons dans nos ateliers (voir plus loin) et qui met l’accent sur les valeurs et qualités morales. Le genre se caractérise notamment par les traits suivants : emploi de la première personne du singulier ou du pluriel et forte récurrence du nom propre de personne. Celui-ci semble être, en dehors de la littérature, le moyen par lequel l’individu noyé dans le groupe se rattrape, pour ainsi dire, et réussit à sortir de l’anonymat. Il fait souvent l’objet d’un rituel particulier pour sa dation et un individu peut en porter plusieurs ayant chacun une signification et une fonction particulières. D’ailleurs l’usage du nom fondamental ou intérieur est souvent frappé d’interdit en des situations particulières. D’autres sont, comme l’a montré Houis (1963), des signes antinomiques de la mort. Mais voici d’abord le type de textes dont il est question :

Lubà (RD Congo) :

Je suis le Lion de la forêt / Celui-qui-ne-craint-pas-d’être ensorcelé / Celui-qui-mange-d’abord-la-verge-de-sa-proie

(Chiwale 1962 : 17)

Haya (Tanzanie) :

Je suis la Foudre qui court vite / Je suis la Toux / Qui suit les enfants / Je ne touche jamais la mère d’un nouveau-né / Je suis l’Ecorce d’un arbre / Je suis pourri depuis longtemps / Mais je n’aime pas tomber sans
être provoqué / Celui qui me secouera tombera avec moi /
Je glisse dans le grand lac comme Lweru / Je ne me bats dans la rivière / Je suis le fils de Ilungu [5] / Fils de Makuba

Shona (Zambie) :

Me voici, Maître de chaque situation, / Un maître aux ressources infinies. / Un seul mot de ma part et ils se plient. / Mon esprit est un canal gouverné par la justice, / (Moi), Homme de toutes les saisons. / Je suis / Celui-dont-les-coups-ne-manquent- jamais-leur-but, / Je frappe et ils tombent. / J’avais une mère qui puisait l’eau avec une queue d’hyène, / Et une tante qui, en marchant, était comme une calebasse prête à éclater.

(Fortune, G. & Hodza, A.C. 1979 : 388-389)

Igbo (Nigéria) :

Je suis : / Celui-qui-laboure-les-collines / Celui-qui-défie-le-sol-avec-des-ignames / Couteau qui coupe les buissons / Grenier large / Buisson qui produit des richesses / Buisson colossal / Buisson effrayant / Utilisateur-de-la-houe qui ne connaît pas la faim
(Egudu & Nwoga 1971 : 30-31)

Egypte ancienne :

Je suis le Guide des nobles, des compagnons royaux, / Chef de tous ceux qui suivent sa majesté ; / Il a posé Maat dans mon corps, j’abhorre la fausseté, / Je sais ce qui plaît à l’Unique de Re, mon Seigneur, / Celui qui connaît comme Aten, qui est réellement sage. / Il entasse mes récompenses d’argent et d’or, / Moi qui suis le Chef des nobles, guide des gens ; / Je dois ma position à ma nature, à mon bon caractère, / Mon Seigneur m’a enseigné, je donne son enseignement. / Je vis en adorant son ka, / Je me rassasie en me mettant à son service ; / Mon souffle, par lequel je vis, est ce vent du nord.

(Lichtheim 1976 : 94)

Au sein de la poésie panégyrique, le nom propre réel ou fictif attribué à l’individu, relève de ce que nous appelons « nom poétique », en raison de sa forte charge émotive. Dans les poèmes repris ci-dessus, il est signalé par une majuscule, mais ce n’est là qu’une marque typographique commode pour nous, qui utilisons l’écriture. Comme on peut le voir dans ces textes, ces noms sont souvent métaphoriques et sont suivis d’une amplification qui en fait ce qu’on appelle « noms forts » ou « devises ». Signalons, d’une part, que nous entendons par devise une formule constituée généralement d’une à quelques phrases, à caractère élogieux et que, d’autre part, le poème autopanégyrique est souvent une accumulation de telles devises. Soulignons toutefois que ce qui fait d’un énoncé une devise, c’est autant sa forme, son contenu que son emploi. C’est ainsi qu’elle
peut se réduire à un mot, comme chez les Dogon du Mali (cf. Ganay 1941) ou qu’un proverbe peut en tenir lieu. Il existe des devises individuelles, claniques et royales. Les animaux, des objets divers et des lieux en portent. Bien entendu, l’auteur présumé de la création, l’Esprit-suprême, en possède plusieurs. C’est dire que l’éloge est une véritable institution en Afrique et il faut sans doute interpréter ce phénomène comme une attitude générale d’émerveillement devant la nature et la vie. En tant que formule, la devise constitue aussi le langage par excellence au travers duquel se transmet le message tambouriné. Il faut préciser que, formule singularisante, la devise n’est pas forcément élogieuse. Ainsi qu’on trouve des devises mettant en avant un défaut physique. Tout se passe comme si l’essentiel, c’est ce qui fait d’un homme un individu distinct d’un autre. La figure de prédilection dans ce genre littéraire est visiblement la métaphore, qui s’accompagne volontiers de l’hyperbole. Par ailleurs, si on pouvait entendre ces textes en langues africaines, on remarquerait qu’ils sont fortement rythmés du fait qu’ils sont débités en fragments ou formules de longueur plus ou moins égale appelés vers, ceux-ci étant reliés entre eux par des parallélismes multiples ( phonologiques, morphologiques et syntaxiques ). Sur le plan phonologique, on noterait par exemple une intonation particulière ainsi qu’un débit accéléré. Ces faits conjugués, qui sont producteurs de redondance, relèvent de ce qu’on appelle poésie. En effet, l’autopanégyrique, en Afrique, est avant tout poésie, c’est-à-dire un langage marqué par la transgression des règles normales de la communication, aux fins de communiquer un message d’un autre type que les messages ordinaires. C’est pour la même raison que la redondance est recherchée, contrairement au langage usuel ou, à l’autre extrême, le langage scientifique, où les unités linguistiques doivent être discriminées le mieux possible afin de réduire au maximum l’ambiguïté. Dans ce contexte, même l’autoglorification, normalement condamnée, se trouve pleinement justifiée.

La contradiction relevée plus haut n’est donc, en réalité, qu’apparente. Elle se résout aussitôt qu’on sait que, la plupart du temps, « je » ou « moi » ne réfèrent pas uniquement à l’individu qui énonce le texte, mais à la communauté dont il fait partie, si bien que ces deux indicateurs de personne correspondent en réalité à « je-nous » ou « moi-nous ». Quoi qu’il en soit, il apparaît aussi, à travers une enquête que nous avons menée il y a quelques années, que l’homme est mû par un désir puissant que nous qualifions de « désir de gloire » (cf. Kabuta 1997b) et qui est la manifestation du besoin fondamental d’être reconnu, estimé, aimé. C’est entre autres ce désir qui, sur le plan littéraire, sous-tend et justifie le genre élogieux, que l’éloge soit adressé à l’autre ou à soi-même. L’éloge de soi, qui est un phénomène universel, peut se présenter sous différentes formes : politique (les campagnes électrorales en sont un bon exemple), commerciale (par exemple la publicité), morale, guerrière, ludique, etc. La particularité de l’éloge de soi en Afrique, c’est sa forme poétique et c’est à ce titre qu’elle nous intéresse.

Il est clair que l’on ne s’en va pas par les rues récitant des autopanégyriques, fussent-ils écrits en poésie. Il y a au contraire des circonstances particulières dans lesquelles, pourrait-on dire, les conduites normalement proscrites sont autorisées. Ces circonstances sont fort nombreuses. C’est, par exemple, lors de grandes assemblées (de palabre ou de récits généalogiques chez les Yaka du Congo), lors de l’investiture d’un chef ou roi (chez les Yaka et les Lubà du Congo et les Lunda de la Zambie), lors d’acquisition d’un titre (chez les Igbo du Nigéria), sur le cadavre d’un ennemi tué (au Rwanda), après la chasse (chez les Yoruba), lorsqu’on rencontre une personne de marque ou lorsqu’on se présente devant le roi avant ou après la guerre (chez les Haya de Tanzanie). Il est fréquent aussi que le récitant insère sa propre louange à l’intérieur d’un panégyrique adressé à quelqu’un, comme pour le signer (chez les Lubà du Congo).

Sur le plan formel, signalons que la devise présente la structure générale suivante, où l’on distingue quatre champs :

1. Une introduction ( je suis, moi… ). Celle-ci est facultative, ce qui signifie que le récitant n’a pas nécessairement besoin d’utiliser l’indicateur « je », pour être le bénéficiaire de l’éloge. Au demeurant, nous savons qu’un tel pronom est le mot le plus vague ou le plus polysémique qui soit, puisqu’il accepte une infinité de référents.

2. Le nom poétique (Foudre, Guide, Ecorce, Celui-dont-lescoups-ne-manquent-jamais-leurbut). Il est l’élément le plus stable dans la formule.

3. Une amplification du nom, constituée d’un déterminant ou d’une forme relative (… qui court vite … de la forêt … large). Il y a fréquemment une forte solidarité entre ce champ et celui du nom.

4. Une expansion (… Mais je n’aime pas tomber sans être provoqué). Ce champ est, comme dans le cas du proverbe (cf. Kabuta 1997a), le domaine des commentaires et des précisions éventuelles. Il est lui aussi facultatif.

Ci-dessous, nous illustrons l’application de la devise autopanégyrique dans le récit historique et dans l’épopée, ce qui nous permettra de mieux en comprendre la fonction et le sens.

Décrivant l’étape la plus importante du rituel d’intronisation chez les Lubà du Katanga (RD Congo), à savoir « la destruction des pots et de la ‘hutte de la souffrance’ [6] », Womersley ( 1984 : 69-70) explique de la manière suivante les circonstances d’énonciation de la devise royale : « Le dernier mot de l’instruction venait du plus âgé des conseillers : ‘Ô mon seigneur et souverain, voici la hutte de la souffrance. En jeûnant, pensez à vos ancêtres dont les têtes vous entourent. Pensez à l’ancien royaume et aux responsabilités qui sont les vôtres pour le préserver. Il vous faut rester ici pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que vous sentiez l’esprit du royaume vous posséder. Ensuite vous vous lèverez, lancerez un cri et vous débarrasserez de la hutte de la souffrance. Nous attendrons pour vous entendre crier votre nouvelle devise et vous voir exécuter la danse royale en l’honneur de Kalala Ilunga Mwine Munza’ [7].

Alors le futur roi, ainsi qu’une de ses soeurs, plus éventuellement une ou deux autres femmes, étaient enfermés dans cette hutte, qui est dépourvue de fenêtre et de porte. Habituellement, vers le 5ème ou le 6ème jour, un cri retentissant se faisait soudain entendre. Le roi se précipitait alors hors de la hutte de la souffrance en poussant un hurlement assourdissant et en écartant la hutte précaire, sautant et dansant tout en criant sa nouvelle devise. Ensuite, pendant que les tambours battaient en rythme et que les participants, enthousiastes, battaient des mains, il terminait en exécutant la danse de Kalala Ilunga [8] : ‘ Tu danses et tu fais un pas en arrière en sautant, tu danses et tu fais un pas en arrière en sautant, (car) en-dessous il y a la mort’ » [9].

Voici les devises autopanégyriques de Kalala Ilunga lui-même, fondateur du deuxième empire lubà [10], dans lesquelles, non seulement il résume sa carrière, mais énonce aussi ses qualités ou ses ambitions :

Moi Kalala Ilunga / Détenteur des grosses perles et des petites perles / Ilunga qui commence la lignée des rois / Moi, Ilunga, fils de Mbidi Kiluwe / Qui alla chasser aux sources du Lomami / Arrivé au Lomami la corde de son arc se brisa [11]

(d’Orjo de Marchovelette, Notes
1948 : 11)

Je suis la grande Roche-en-fusion / Il n’y a pas une terre qu’elle ne
couvre / Je n’ai de frontière avec personne

(Womersley 1984 : 23)

L’épopée, très répandue en Afrique, constitue un domaine de prédilection pour la récitation de la devise autopanégyrique. Par exemple Mwindo, le héros de l’épopée nyanga (RD Congo) du même nom, se présente naturellement comme héros invincible, le plus courageux, le plus beau, le plus intelligent, bref, il brille par son absence de modestie. Aussi bien, les devises auto-élogieuses sont très nombreuses dans ce texte. Lorsqu’il vient d’accomplir un haut fait, il a coutume de se féliciter. Il est, dès le point de départ, qualifié de Kábútwa-kénda, ou « le Petit-qui-marcha-dès-sa-naissance ». Entourée d’autres formules stéréotypées, celle-ci revient inlas-sablement, et presque toujours dans la bouche du héros, chaque fois que celui-ci accomplit une action d’éclat. C’est sa devise principale. L’évocation de cette devise se révèle éminemment efficace en maintes circonstances. En plus de ses attributs, Mwindo est muni d’une carapace de fer, ayant été « forgé », par ses oncles maternels (les chauves-souris), qui le rend de la sorte plus fort et plus résistant juste avant qu’il n’aille attaquer son père au village Tubondo. Comme dans une autre épopée « Ndinde » (épopée des Lega de la RD Congo), les paroles auto-louangeuses du héros sont répercutées dans la bouche d’autres personnages, notamment par sa tante Iyangura. Les louanges sont associées à des défis et elles sont énoncées souvent à la troisième personne du singulier. Au même titre que le sceptre spécial que possède le héros, la parole, à travers la devise, s’avère être singulièrement efficace, puisqu’il suffit d’y avoir recours pour voir se lever les obstacles les plus redoutables [12]. Mais la parole dont il est question ici n’est pas une parole quelconque. C’est une parole composée de formules stéréotypées comme des titres, des devises autopanégyriques ou non, des défis, que le héros récite dans les situations critiques, comme pour se convaincre de sa propre puissance ou pour décourager l’adversaire et s’assurer sa supériorité sur lui. L’itinéraire de Mwindo comporte trois phases, qu’il est intéressant d’examiner brièvement. En premier lieu, il maîtrise les êtres sous-terrains ou sous-marins. Ensuite, il maîtrise les êtres terrestres : les habitants de son village Tubondo, ainsi que l’être le plus redoutable de la forêt, à savoir le dragon. Il apparaît donc comme le maître absolu de la terre et du monde sous-terrain. Enfin, transporté dans le monde céleste, il s’avère que ses qualités exceptionnelles ( témérité, bravoure, fierté, assurance, suffisance, dureté, la conscience de sa supériorité ), qui en faisaient un héros dans les mondes terrestre et sous-terrain, n’ont aucune valeur. Il lui faut les dépasser pour être véritablement grand et capable de diriger les hommes. Pour le reste, la puissance de Mwindo paraît bien précaire puisqu’elle est due à la possession d’objets dotés d’un pouvoir magique et dont la parole fait partie. Notons qu’il s’agit d’un voyage initiatique, à l’issue duquel Mwindo est purifié de son outrecuidance, stade indispensable pour accéder à ce troisième plan où il lui est enseigné qu’il n’est pas maître de l’univers entier et que même pour être maître de la terre, il doit se vaincre lui-même, se dépasser lui-même, surmonter son orgueil. Car son adversaire le plus redoutable, c’est lui-même. Alors seulement il sera un véritable héros et il sera à même de conduire la destinée de la société. On voit ici que l’éloge de soi est radicalement relativisé et même critiqué. Ceci nous ramène à notre proverbe songye contre l’auto-glorification. C’est sur cette leçon de morale que se termine le récit. C’était là quelques aspects de l’autopanégyrique et de la devise.

Dans nos ateliers et conférences sur l’autolouange ainsi que dans un ouvrage sous presse, [13] nous nous appuyons sur ce genre littéraire pour développer des techniques conduisant l’homme à un « plus-être », tout en améliorant les relations entre les hommes. Dans notre pratique, l’ennemi dont on triomphe, ce sont les différents maux ( la haine, le racisme, le mensonge, la peur, l’ignorance, etc. ) qui provoquent la souffrance parmi les hommes. Aussi, toutes les victoires dont il s’agit sont des victoires sur ceux-ci et sur nous-mêmes. De cette manière, la tradition se trouve non seulement perpétuée, mais réinventée, valorisée et diffusée.

Nous voudrions terminer par l’autolouange que voici, composée lors d’un atelier : J’arrive, annonçant la fin de la souffrance, la fin de violence / Les anciens réjouis célèbrent ma venue. / Je suis l’aboutissement des créateurs vivifiant la matière, la finalité du feu mystique brûlant l’âme de la celte-viking. / Je perce la brume et les flots : terreur des noirs desseins, je suis la protectrice. / Femme, je suis la vie, la passion, la beauté, le plaisir. / Je suis les larmes et les rires, la rumeur et le silence. / Je suis l’épouse alchimiste qui transmue les embryons en hommes. / Je suis la force vitale du Chef « Pareil-à-Dieu » qui appelle et qu’on suit vers la victoire sur les ténèbres. / J’enfante le mâle et la femelle, la quête, l’intensité, la fronde. / Je suis l’ancêtre de l’or, de la tendresse et du talent, l’ancêtre du baigneur à l’accent de cigale. / Je suis l’oreille du cœur, la patience du serpent, l’œil du hibou et le rire du Tigre. / Je suis la panthère douce et sauvage qui nourrit les petits et déchire l’ennemi. / Je suis la carpe déguisée en clown médecin. / Je suis le feu du combat intérieur, je regard tendre et lucide, la flèche vibrante décochée dans la Réalité. / Je suis Trompe-la-Mort, phœnix Renée des Sables. / Mon nom est le rampant de Rome, / Je suis l’Ariane du Mandala, qui unifie les corps du Bouddha, / Je déchiffre Zéro, je suis Shiva, moi, le Sheikh d’une zaouïa de singes.

(Martine Quentric).

Bibliographie

Biebuyck, D., Mateene, K.C. 1969. The Mwindo Epic, from the Banyanga (Congo Republic). University of California Press, Berkeley-Los Angeles, 213 p.

Chiwale, J.C. 1962. Central Bantu historical texts III : Royal Praises and Praise Names of the Lunda Kazembe of Northern Rhodesia ; The Meaning and Historical Background. Rhodes Livingstone Institute, Lusaka. d’Orjo de Marchovelette, E. 1948. Notes. [14]

Egudu, R.N. & Nwoga, D.I. 1973. Poetic Heritage : Igbo Traditional Verse. Nwankwo-Ifejika & Co. Ltd, Enugu. Fortune, G. & Hodza, A.C. 1979. Shona praise-poetry. The Oxford Library of African Literature, Oxford. Ganay, S. de, 1941.

Les Devises des Dogons. Institut d’ethnologie, Musée de l’Homme, Paris. Houis, M., 1963. Les Noms individuels chez les Mosi ( Haute-Volta ). Institut Français d’Afrique Noire, Dakar.

Kabuta, N.S. 1997a. « La construction d’une formule. L’exemple du proverbe lubà », Paroles et cultures bantoues. Mélanges en hommage à F.M. Rodegem, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Annales Sciences Humaines, Vol. 159, Tervuren, p. 69-87.

Kabuta, N.S. 1997b. « Le désir de gloire », Africana Gandesia, Vol. 8, Universiteit Gent, Gent, p. 63-91. Kenyatta, J., (1938) 1968. Facing Mount Kenya. Secker & Warburg, London. Lichtheim, M. 1976. Ancient Egyptian Literature. Volume II : The New Kingdom. University of California Press, Los Angeles, 239 p.

Lumeka, P.R. 1967. Proverbes des Songye. Extrait de : Annales du Musée Royal de l’Afrique Centrale, n° 61. Tervuren.

Ndamugoba, S.R. 1987. The Significance of Praise Poetry among the Bahaya : A case study of Kyamutwara, Kagera Region. Mémoire de licence, University of Dar es Salaam, Dar es Salaam.

Ndaywel è Nziem, I. 1997. Histoire du Zaïre. De l’héritage ancien à l’âge contemporain. Duculot, Afrique Editions. Louvain-la-Neuve. Rouget, G. 1980. La Musique et la Transe. Gallimard, Paris.

Womersley, H. 1984. Legends and History of the Luba. Crossroads Press. Los Angeles.

[1Notre traduction.

[2Dérivé de l’arabe fahr « fierté ».

[3Singulier icyîvugo, dérivé de –ivug- « se faire entendre, parler de soi, se manifester. Se nommer. Se vanter ».

[4Dérivé de –tand-um-un- « étaler, expliquer en long et en large » , c’est le nom de force et de défi, par lequel on se loue.

[5Dieu de la terre, des bois et des buissons, patron des voyageurs.

[6Petite hutte de fortune construite spécialement pour y faire subir au futur souverain la dernière épreuve avant son intronisation ; elle contient pour tout mobilier deux ou trois nattes ainsi qu’un appuie-tête entouré des crânes de tous les rois précédents.

[7Premier roi du deuxième empire lubà.

[8Cette danse est dite kutòmboka en kilubà et dans d’autres langues voisines.

[9Allusion au piège que lui avait tendu son oncle Kongolo pour le tuer et qu’il réussit à déjouer.

[10La fondation de cet empire remonte, selon Ndaywel (1997 : 129- 160) au XIIIème siècle.

[11Une devise fort proche est attribuée à Ilunga Mbidi (connu encore sous le nom de Mbidi Kiluwe « Mbidi le Chasseur »), le père de Kalala Ilunga. Cette devise est censée avoir été prononcée par Mabela et Bulanda, les deux futures femmes de Ilunga Mbidi, dans les circonstances suivantes : Ilunga Mbidi ne riant jamais, les deux femmes énoncent sa devise et, en entendant celle-ci, Ilunga Mbidi se met à rire et montre ses belles dents finement taillées. Ilunga Mbidi Ilunga Mbidi Wakatele nsulo a Lomami Qui alla chasser en amont du Lomami Kilemo kyamuketekelako La corde (de cuir) de son arc s’étant brisée quand il y était Kaiya makasa ku mutwe Il en revint les mains vides (litt. « avec les mains sur la tête » ) ( Histoire du Commencement du Royaume 1948 : 27-28. Ce texte manuscrit nous a été aimablement prêté par monsieur Jean-Louis Gabriel ).

[12Sur un autre plan, on sait que l’énonciation de la devise d’une divinité dans les cultes de possession suffit à faire descendre celle-ci dans le médium pour le plonger dans la transe (cf. Rouget 1981).

[13« Eloge de soi, éloge de l’autre » . Renaissance du livre, Tournai.

[14Ces notes dactylographiées nous ont été aimablement prêtées par monsieur Jean-Louis Gabriel, neveu de d’Orjo de Marchovelette.