Présentation / Le point d’eau des dromadaires

Mise en ligne: 16 mars 2016

En pleine Corne de l’Afrique, région en proie à la guerre et l’instabilité, le Somaliland affiche sa singularité. A ce jour, son indépendance n’est pas reconnue par la communauté internationale. Paradoxe ? Portrait d’un étonnant pays qui n’existe pas



Situé au nord-est du continent africain, dans la région connue comme le Corne de l’Afrique, avec une superficie d’environ 140 mille km² (grand comme presque cinq fois la Belgique) et une population estimée à 3,5 millions d’habitants, le Somaliland est limitrophe de la Somalie, de l’Éthiopie, de Djibouti et du Yémen. Sa capitale, Hargeisa, a une population d’un peu plus d’un million d’habitants.



Ancien protectorat britannique depuis la fin du XIXème siècle, les Anglais utilisent le territoire somalilandais principalement pour ravitailler en ovins la garnison d’Aden, au sud du Yemen, si bien que, après le départ des Britanniques, en 1960, les structures sociales traditionnelles restent relativement inchangées.



Au début de la Deuxième Guerre mondiale, en août 1940, l’armée italienne envahit le Somaliland, s’empare en quelques jours de plusieurs villes et, profitant du fait que les troupes britanniques battent en retraite, annexe le territoire à l’Afrique orientale italienne. Quelque mois plus tard, en mars 1941, les troupes britanniques reprennent le Somaliland, qui revient sous le giron de l’administration anglaise.



Actif dès la fin de la Guerre, le mouvement national somalilandais obtient l’indépendance du territoire en 1960 et fusionne avec la Somalie italienne pour former la grande Somalie. Des dirigeants somalilandais participent au gouvernement somalien jusqu’au coup d’État dirigé par Mohammed Siad Barre en 1969. Une rébellion éclate au début des années quatre-vingt, mais elle est réprimée avec brutalité par Siad Barre. En 1988, Hargeisa, la capitale du Somaliland, est bombardée par l’aviation somalienne. La répression fait 50 mille morts et près d’un demi-million de déplacés, soit prés de la moitié de la population. C’est le début de la guerre civile somalienne, qui s’amplifie avec le renversement de Siad Barre en 1991.



Le 18 mai 1991 l’indépendance de deux régions administratives de Somaliland est proclamée. Dix ans plus tard, en mai 2001, l’indépendance est entérinée par un référendum qui remporte 97 % d’approbation. À ce jour, néanmoins, l’indépendance du Somalialand, proclamée en 1991, et sa Constitution de 2000, ne sont pas reconnues par la communauté internationale.



Malgré le fait que le Somaliland dispose de richesses minières et pétrolières et que des formes démocratiques sont relativement respectées, le pays est alimenté en devises d’expatriés et d’exilés—on estime à 1,5 million le nombre de Somalilandais vivant à l’étranger.

 Le Somaliland s’affiche comme un partenaire potentiel des puissances occidentales dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie. Bien que la situation chaotique de la Somalie voisine n’entrave pas la vie dans le pays, les risques de contagion armée restent [1].



« Alors que la Somalie n’en finit plus de panser ses plaies, que, de l’autre côté du golfe d’Aden, le Yémen explose, le petit Somaliland a toutes les apparences d’un Etat. Faute de reconnaissance, le pays est exclu des circuits financiers mondiaux, et le budget fédéral n’excède pas 500 millions de dollars. L’essentiel de l’économie repose sur l’exportation de bétail vers l’Arabie saoudite, les télécommunications et le commerce du khat » (voir par ailleurs). Voici comme Elise Barthet, envoyée spéciale du Monde, décrivait le Somaliland en octobre 2015, où elle est allée couvrir la 8e Foire internationale du livre.



Du livre oui, car, aussi étrange que cela puisse paraître, une foire internationale du livre se tient chaque année à Hargeisa, la capitale du Somaliland et ce, depuis 2008. Mieux, en 2015, la foire du livre a hébergé un festival, Women of the World, consacré à la culture des femmes. Mieux encore, le festival rencontre un tel succès que lors de sa clôture la police a dû tirer en l’air pour contenir la foule venue assister à l’événement social de l’année au pays. Il est vrai que le goût des Somaliens pour la poésie est proverbial. D’ailleurs, de la poésie se dégage de la description que l’envoyée spéciale du Monde fait de Hargeisa : « La ville aux ruelles poussiéreuses et aux maisons basses bruisse du bêlement des chèvres ».



Les Somalilandais parlent le somali, langue commune avec la Somalie. L’emploi de l’arabe est courant, surtout dans un cadre religieux et commercial. L’anglais est la langue coloniale et la seconde langue commerciale, parlée par l’élite. Outre la Foire internationale du livre, le visiteur peut découvrir aussi les peintures rupestres des grottes de Laas Geel, un site néolithique bien préservé, considéré par la population comme un lieu sacré, dont le nom veut dire « le point d’eau des dromadaires ». D’ailleurs, les sources du Nil ne sont pas bien loin.

[1D’ailleurs, le terroriste qui s’est fait sauter dans un avion au dessus de l’Ethiopie, en février 2016, était originaire du Somaliland. Heureusement, il a été la seule victime de l’attentat.