Ce qui différencie les BRICS du vrai impérialisme, c’est qu’à l’exception de la Russie, ils n’emploient pas encore de moyens militaires, propos de Eric Toussaint, extraits du quotidien suisse Le Courrier
Les BRICS annoncent vouloir créer une alternative à la Banque mondiale . Une bonne nouvelle pour le développement ?
Éric Toussaint : Vouloir créer une alternative à la BM serait en effet une excellente nouvelle, mais je ne crois pas du tout que ce soit le cas ici. Les cinq États qui constituent les BRICS sont des pays capitalistes émergents qui cherchent à préserver leurs intérêts, dans la mesure où le FMI et la BM sont des instruments contrôlés par les grandes puissances traditionnelles. La Nouvelle banque de développement (NBD) se différencie, en promettant de ne pas mettre de conditionnalités, telles que des plans d’ajustement structurel, à ses prêts et d’appliquer – mais le fera-t-elle ? – le principe : un pays-une voix. Ça ne suffit pas à en faire une alternative. Ce serait juste un moindre mal.
Si je résume : on échangerait une Banque mondiale soumise à Washington par une NBD au service de l’impérialisme chinois ?
ET : On peut parler, à la suite de l’économiste brésilien Rui Mauro Marini, de sous-impérialisme, au sens que ces pays, Brésil et Chine en tête, investissent massivement dans les pays en développement pour défendre des intérêts politiques ou économiques propres, pas pour le développement des récipiendaires des fonds. Ce qui les différencie du vrai impérialisme, comme celui des États-Unis, c’est qu’ils n’emploient pas – encore ? – de moyens militaires. A l’exception de la Russie.
Les BRICS, parviendront-ils à se mettre d’accord sur des projets ?
ET : On peut se demander si ces cinq pays ne s’associent pas surtout pour montrer aux puissances traditionnelles qu’ils pourraient le faire. En réalité, selon moi, ces cinq pays ont peu d’intérêts communs.
Ont-ils la surface financière pour faire vivre une telle banque ?
ET : Sans aucun doute ! La Chine, à elle seule, possède plus de 3 mille milliards de dollars de réserves de change dont elle ne sait que faire. C’est énorme, presque deux fois le total des dettes publiques externes des pays en développement. Une bonne part de cet argent est placé en bons du Trésor américain : la Chine est la première créancière des États-Unis. Le Brésil et la Russie, également, ont des réserves très importantes. Seule l’Afrique du Sud aura de la peine à mettre les 10 milliards de dollars au capital de départ de l’établissement.
Publiée par le quotidien suisse Le Courrier, le samedi 16 août 2014