Cher Monsieur, vous ne me connaissez pas, mais je voudrais vous transférer 152 millions de dollars

Mise en ligne: 10 juillet 2013

Une flopée de mails venus d’Afrique réinventent la poule aux oeufs d’or. Quelques Européens sont tombés dans ce cyber-panneau, par Samy Hosni

Momoh Mobutu, Tao Savimbi, Laurent Kabila, Kofi Nkrumah, Mariam Abacha. Depuis quelque temps, j’ai pu me constituer un véritable carnet mondain de personnalités africaines. A y regarder de plus près ce sont bien les pseudo rejetons de sinistres dictateurs qui se sont mis à m’écrire avec frénésie. Le but de ces lettres est similaire : me proposer une somme d’argent alléchante (de 10 à 152 millions de dollars). Voilà la petite histoire accompagnant la généreuse proposition : ces billets verts ont été évidemment « mis de côté » par les dictateurs en fonction avant qu’ils ne meurent pour la plupart de mort violente. Sur son lit de mort, le despote a confié l’existence de ce fond secret à sa descendance. Mais voilà que pour pouvoir bénéficier de ce bas de laine, celle-ci a besoin d’un intermédiaire étranger. En effet, la législation de transfert de fonds est très claire en la matière… Moyennant forte récompense, vous devrez rencontrer votre nouveau partenaire pour parler des modalités de paiement. On l’aura vite compris, ce mail sent l’arnaque à plein nez et on ne saurait trop vous conseiller de ne jamais répondre à ce généreux donateur.

Aussitôt contactés, les émetteurs du message vont vous demander d’ouvrir un compte dans une banque africaine, compte qui devra être approvisionné d’une somme relativement importante. Votre participation devient active dès lors que vous devrez avancer de l’argent pour payer « certaines » frais d’avocats, droits de transactions, taxes ou encore divers pots-de-vin pour surmonter tous les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser entre l’argent et vous.

De la bonne aubaine, l’histoire se transforme en chasse au pigeon... et le pigeon c’est vous, nous préviens le site Hoaxbuster.com. Un « hoax », c’est un bobard, un canular qui doit vous rouler dans la farine. Le site en répertorie des centaines : « chaînes » sans fin, révisionnisme, vrais virus ou faux avis de recherche, ce ne sont pas les exemples ou l’imagination qui manquent. Le web est devenu une formidable machine de désinformation et il vaut mieux vérifier sa source à deux fois pour ne pas tomber dans des pièges. D’autant plus facile que ces hoax noyés dans la masse énorme d’infos qui circulent sur le réseau passent souvent inaperçus.

L’exemple africain est apparu dans les années quatre-vingt. C’était par courrier ou télécopie que ces missives étaient envoyées aux naïfs, en leur promettant l’achat de pétrole brut à des prix défiant toute concurrence. Originaire du Nigeria, cette arnaque a vite profité de l’essor du mail pour se propager. Le site Crimes-ofpersuasion. com répertorie pas moins de 416 exemples différents ! Les pays africains ont vite commencé à imiter ces tentatives d’extorsions de fond. Avec succès ? Juergen Ahlmann peut en témoigner. Cet habitant de San Diego a eu la bonne idée de répondre à un mail lui demandant d’investir dans des mines de diamants. Provenance des pierres : la Tanzanie, le Kenya mais aussi la République du Congo… Vu la guerre civile et le pillage organisé dans l’ancien Zaïre, les diamants sont bradés. Une « sale affaire » qui tourne au cauchemar pour les businessmen opportunistes. Ils ont été retenus en otage dix jours par leurs « partenaires » nigérians. Rançon demandée : 30 mille dollars. Mike Otieno, l’auteur du mail, a été finalement arrêté par la police de Nairobi. Consultant en économie, l’homme avait abandonné ses livres comptables pour le grand banditisme.

Cette arnaque à destination de l’Occident devient un des plus courants. Selon Hoaxbuster.com, une manifestation d’internautes a même eu lieu devant la Maison- Blanche et l’ambassade du Nigeria pour dénoncer ces pratiques frauduleuses. Alors la prochaine fois que le fils de Mengistu ou d’Amin Dada vous écrit, envoyez directement ses délires électroniques dans votre corbeille.

Publié dans Antipodes n° 159